Publié le: 15 juillet 2016

Alarme par sms : les malentendants devront attendre

Alarme par sms : les malentendants devront attendre

Les malentendants et sourds de Suisse devront patienter encore de longues années avant de pouvoir être alertés par SMS en cas de catastrophe majeure. Les sirènes leur étant le plus souvent inutiles, ils doivent en attendant se rabattre sur le dispositif Alertswiss, disponible sur les smartphones.

Tous les Suisses sont depuis de très longues années habitués à ce genre d’exercice. Tous ? Non pas tout à fait, puisque les malentendants et sourds en sont, du fait de leur handicap auditif, exclus. Cet exercice, c’est celui des sirènes qui, chaque année, retentissent dans tout le pays, histoire d’évaluer leur bon fonctionnement et leur fiabilité. Seulement voilà : et si, un jour, il ne s’agissait plus d’un test, mais bel et bien d’une mise en alerte destinée à informer la population d’un danger imminent et réel ?

La réponse est sans équivoque : de par la malchance de leur handicap, les sourds et malentendants suisses font l’objet d’une réelle discrimination qui les conduit, à l’inverse de leurs concitoyens, à ne pas pouvoir être informés d’un danger, par le son continu émis par les quelque 8200 sirènes du pays. Un constat que l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) ne nie pas : « Actuellement, le système d’alarme est basé sur les sirènes et la population est informée par la radio. Deux moyens de communication acoustiques qui sont peu, voire pas adaptés pour les personnes malentendantes et sourdes », admet ainsi son chef de la communication, Kurt Münger.

Espoir déçu

En février de l’année dernière pourtant, une solution à cette situation si préjudiciable semblait s’esquisser : en marge du lancement de son nouveau système d’alarme intitulé « Altertswiss » et qui diffuse des informations en cas de situation d’urgence via un site internet, Twitter et Youtube, l’OFPP déclarait en effet envisager pour la première fois, la mise sur pied d’un système d’alerte de la population par SMS, seul système réellement efficace en cas d’urgence pour ceux qui souffrent de déficience auditive.

Hélas, cet espoir sera resté vain : en avril dernier, l’OFPP annonçait dans le Sonntagsblick que le système promis n’allait pas voir le jour, du moins pas avant de longues années.  « La diffusion de messages d’alarme et d’information via SMS n’est pas satisfaisante au vu des moyens techniques à disposition, nous confirme Kurt Münger. Une analyse approfondie effectuée avec différent partenaires a montré qu’en cas d’événement de grande ampleur à l’échelle nationale, il n’est pas possible de garantir une transmission rapide de l’alarme par SMS à un aussi grand nombre de personnes ».

Un constat qui provoque une grande déception parmi les organisations de défense des intérêts des sourds et malentendants. « Forom écoute estime que les malentendants doivent pouvoir bénéficier d'une égalité des droits, en particulier en cas de danger pour la vie ou l'intégralité corporelle, avec un accès plein et entier à l'information, explique Laurent Huguenin, président de la fondation romande des malentendants. La fondation est très favorable à un système d'alerte nationale par SMS qui est le seul système qui permettrait cet accès. »

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La Fédération suisse des sourds adopte quant à elle une position similaire : « Les explications avancées par l’OFPP selon lesquelles le système d’alarme par SMS de l’entier de la population ne peut pas encore être opérationnel ne sont pas satisfaisantes aux yeux de la Fédération suisse des sourds, explique sa porte-parole, dans un communiqué rendu public en avril dernier. Un système d’alarme séparé pour personnes sourdes et malentendantes pourrait déjà être réalisable aujourd’hui et garantirait une égalité pleine et entière au sens de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. L’exemple de la Belgique le démontre : là-bas, les personnes sourdes et malentendantes peuvent s’enregistrer pour avoir accès à un système d’alarme national par SMS ».

Décision politique

En tout état de cause, l’OFPP n’entend a priori pas renoncer définitivement à un système d’alerte via SMS : « L’OFPP étudie toujours la possibilité d’une alarme broadcast, c’est à dire la transmission de messages d’alarme et d’informations par moyen de communication mobiles sans inscription ni installation préalable d’une application, rassure ainsi son responsable de communication. Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de la défense de lui présenter un état des lieux sur le sujet d’ici fin 2016. La suite des opérations dépendra des décisions qui seront prises à l’échelon politique et des mandats concrets qui en découleront ».

En clair, et pour encore de longues années, les malentendants et sourds devront se contenter des sirènes actuelles mais aussi des promesses du dispositif Alertswiss qui, heureusement, est appelé à connaître encore de nombreuses évolutions dans les années à venir. « Dans le cadre de l’extension des canaux Alertswiss existants à la diffusion de messages d’alarmes et d’informations, un essai pilote est prévu au cours du 2ème semestre 2017, annonce Kurt Münger. Les produits devraient être disponibles à grande échelle en 2018. A l’avenir les messages d’alarme seront diffusés sous forme de messages push sur l’application Alertswiss et sous forme de publications sur le site internet d’Alertswiss »

Une annonce que Laurent Huguenin, le président de forom écoute, salue : « forom écoute relève le pas effectué par l'OFPP avec Alertswiss qui diffuse des informations en cas d'alerte sur le site internet et les réseaux sociaux twitter et youtube etc. Mais nous militons bien entendu pour un pas supplémentaire en faveur de la diffusion des informations automatiques via téléphone portable. »

www.alertswiss.ch. L’application peut être téléchargée gratuitement dans l’Apple Store et sur Google Play.