Publié le: 10 janvier 2017

Bastien Marquis, six semaines à San Francisco

Bastien Marquis, six semaines à San Francisco

Aller seul à l’autre bout du monde, pour se prouver qu’on est capable de le faire. Malgré la malentendance et toutes les difficultés qu’elle implique dans la communication avec les autres. Tel est le défi que s’est lancé Bastien Marquis, un jeune malentendant de Delémont.

Lorsqu’en ce 20 août de l’été dernier, Bastien embarque à Francfort à bord du gigantesque Airbus A380 (un rêve, pour ce passionné d’aéronautique), ce n’est pas sans une légère appréhension. Le jeune homme, pourtant, a déjà voyagé seul et à plusieurs reprises, mais là, le voyage va le mener très loin, après plus de 11 heures de vol via Francfort, jusqu’à San Francisco, dans la côte ouest des Etats-Unis.

« Il y a longtemps que je voulais faire un grand voyage seul, sans papa et maman, explique Bastien, âgé de 23 ans et en cours d’apprentissage. Pour développer mon autonomie, apprendre à me connaître et découvrir jusqu’où je pouvais aller avec ma malentendance, me prouver qu’elle ne m’empêcherait pas de faire ce que je voulais ».

Reste à choisir la destination. Bastien hésite entre Vancouver, New York, Los Angeles et San Francisco. Ce sera finalement cette dernière ville, en raison des températures, plus clémentes qu’ailleurs. Mais qu’à cela ne tienne : autant joindre l’utile à l’agréable, et Bastien s’inscrit auprès d’une agence pour suivre sur place des cours intensifs, afin d’améliorer son niveau d’anglais.

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Etudes et sorties

Après un long vol, avec une escale – Bastien a dû s’orienter seul dans l’immense hub aéroportuaire de Francfort – le voilà qui débarque à San Francisco. Avec une première déconvenue, puisqu’à l’arrivée, en raison des retards pris dans les formalités douanières, plus personne ne l’attend. Un rapide coup de fil à l’agence en Suisse, et le problème est réglé, lui permettant d’arriver enfin chez sa famille d’accueil, à Daly-City, une petite localité au sud de San Francisco.

Après une journée de repos, histoire de récupérer du décalage horaire, le voici qui commence son séjour de six semaines avec un programme bien rôdé : une demi-journée est consacrée aux cours, l’autre aux sorties. Les cours ne sont pas faciles pour Bastien qui a déjà pourtant une petite expérience en matière d’apprentissage de l’anglais : « Là-bas, explique-t-il en souriant, ils mangent toujours leurs mots et la prononciation est plutôt différente, même pour des mots que je connaissais et que je comprenais pourtant bien en anglais classique ».

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Mais qu’importe, les cours sont intéressants et les camarades d’études, en provenance du monde entier (Français, Suisses, mais surtout Japonais et Chinois) très sympathiques. Le seul vrai problème est l’éloignement, l’école étant située à San Francisco même. Conséquence : il a fallu compter chaque jour une heure trente de trajet en bus pour s’y rendre et autant pour rentrer après les cours. Une sinécure, au point que Bastien a dû parfois se résoudre à emprunter les services de taxis-uber, plus onéreux certes, mais qui réduisaient considérablement la durée de ses temps de transports.

Golden Gate Bridge

Heureusement, les distances n’empêchent pas le jeune homme de partir à la découverte des hauts lieux touristiques de la région, sélectionnés grâce à une très utile application pour smartphones, CityMap. Histoire de maîtriser son emploi du temps, c’est la plupart du temps seul qu’il déambule dans les rues de la grande cité. « La ville est immense mais vraiment belle, raconte-t-il. J’adorais aller aux Twin Peaks, les célèbres collines jumelles au-dessus de San Francisco, parce que la vue qui surplombe la ville y est magnifique ! » Il découvre également le Golden Gate Bridge, le célèbre et mythique pont suspendu de couleur rouge qui relie la baie de San Francisco à l’océan, qu’il traverse à pied durant près d’une heure. « Ce pont est vraiment impressionnant et offre aussi une très belle vue, s’extasie-t-il. En outre, j’ai été très surpris par son excellent état, alors qu’il a près d’un siècle ».

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En un mois et demi, Bastien aura ainsi découvert une bonne vingtaine de hauts-lieux touristiques de la région, même s’il n’a bien sûr, pas eu le temps de tous les faire. « J’ai surtout deux regrets, résume-t-il. Je n’ai pas pu voir la prison d’Alcatraz, et je n’ai pas pu faire un saut à Los Angeles, ville à laquelle j’ai dû renoncer en raison de mon budget : les billets d’avion étaient vraiment trop chers, d’autant que le coût de la vie à San Francisco est assez comparable à celui que l’on a en Suisse. »

Pas toujours comme on veut…

Si Bastien, grand amateur de photos, a pu en revanche largement profiter des célèbres couchers de soleil en bord de mer, il n’a malheureusement pas pu s’adonner aux plaisirs de la plage. « L’eau était trop froide, sourit-il. D’ailleurs à San Francisco, le climat est finalement assez changeant, frais en matinée, assez tempéré dans l’après-midi, mais pouvant se détériorer en quelques minutes. Du coup, on ne sait jamais vraiment comment s’y habiller ! ».

Après six semaines d’études et de découvertes, Bastien rentre en Suisse, content de retrouver sa famille. Et il n’est pas peu fier de lui. « Ce fut un beau voyage, conclut-il. Pas facile surtout avec la crainte de ne pas être compris. D’ailleurs bien des amis entendants m’ont avoué qu’ils n’auraient pas osé se lancer dans l’aventure ».

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Mais malgré les difficultés, le jeu en valait la chandelle. « J’ai pu me prouver que la surdité ne m’empêchait pas de mener mes projets à bien, se réjouit-il, avant d’ajouter un brin philosophe : et puis, il y a eu pas mal de contretemps durant tout ce séjour : personne pour me recevoir à l’arrivée, des changements de chambre dans ma famille d’accueil, etc. Cela a été une belle occasion d’apprendre à résoudre les problèmes tout seul, et de comprendre que la vie ne se passe pas toujours comme on veut. »