Publié le: 08 avril 2017

Camille Avert : « J’aime ma différence »

Camille Avert : « J’aime ma différence »

Âgée de 14 ans, sœur d’Anaïs déjà interviewée par aux-ecoutes.ch, Camille Avert vit à Villars-Sainte-Croix (VD). Pour cette sourde de naissance, qui suit encore sa scolarité obligatoire, la surdité est une richesse et une source de fierté.

Depuis quand es-tu sourde ?

Depuis la naissance ! On pense en fait que ma surdité est d’origine génétique, comme ma grande sœur Anaïs qui en est aussi atteinte. C’est la raison pour laquelle mes parents ont fait faire des tests alors que j’étais à peine âgée d’un mois, et qui ont confirmé une surdité profonde des deux côtés.

As-tu été appareillée ?

Oui, très tôt dès l’âge de 4 mois, ce qui est une grande chance. Pendant 4 ans, j’ai ensuite porté un appareil sur chaque oreille, avant d’être implantée lorsque j’ai eu 5 ans. J’ai donc un appareil à droite et un implant à gauche.

Tu entends et parle parfaitement, au point qu’on ne soupçonne pas du tout la surdité…

Oui (sourire), mais c’est à double tranchant. Au point que les gens oublient souvent que je suis sourde et ne font pas d’effort pour me parler correctement ou pour répéter. C’est parfois très embêtant.

Ta sœur Anaïs est également sourde. Cela change-t-il quelque chose pour toi ?

Bien sûr, nous sommes sœurs et partageons le même handicap. On est donc très complices. Avoir quelqu’un comme soi au quotidien, ça resserre les liens et ça aide beaucoup. Et parfois, on se parle entre nous en codant pour que les autres ne comprennent pas (rires)…

Où en es-tu de tes études ?

Je suis en 10ème Harmos à Bussigny (VD), dans une école tout à fait normale pour entendants. J’ai deux codeuses qui m’aident, à raison de 12 périodes par semaine, surtout dans les branches difficiles, comme l’anglais ou la prononciation diffère beaucoup de l’écriture. Au final, c’est quand même très fatiguant pour moi, et je sais que je dois travailler plus que les autres.

Et tu as de bonnes notes ?

D’une manière générale oui, même si pour certaines branches comme les maths, c’est un peu plus difficile (sourire), surtout que je suis en VP. Dans d’autres branches, que j’aime, comme le latin, c’est plus simple…

Du latin ? C’est plutôt rare comme choix…

J’avais le choix entre l’italien, les maths et la physique, l’économie ou le latin. C’est le latin qui m’intriguait le plus, et je n’ai pas regretté car le prof est vraiment passionnant.

Et comment cela se passe-t-il avec les camarades de classe ?

Ça va bien, j’ai beaucoup de plaisir à partager des moments avec eux. Même si parfois ils oublient que je suis sourde et ne sont pas très patients quand je ne comprends pas quelque chose… Il est même arrivé que certains pensent qu’avoir une codeuse me permet de tricher (rires).

Que penses-tu faire, après ta scolarité obligatoire ?

A vrai dire, je ne sais pas encore. Je suis en train de passer des tests pour trouver une orientation qui me convienne. Mais j’aime bien être dans le social, parler avec les gens, organiser les choses.  J’aime beaucoup aussi tout ce qui touche à la décoration.

Et dans ton temps libre, en dehors de l’école, que fais-tu ?

Avant je faisais du tennis et de la danse, mais j’ai dû arrêter pour me consacrer complètement à l’école. Maintenant, je fais des sorties avec des copines, et surtout j’écoute beaucoup de musique qui repose mes oreilles. J’adore ça, surtout après une journée de cours. Ça me détend !

Que souhaiterais-tu dire aux autres malentendants ?

Qu’il faut surtout s’accepter comme on est. J’aime ma différence, à l’école on s’intéresse à moi et à ma surdité. J’aime bien expliquer mon parcours et j’en suis fière. En fait, je me sens bien en tant que sourde et être entendante n’aurait aucun sens pour moi.

Propos recueillis par Charaf Abdessemed