Publié le: 15 novembre 2014

« C’est magique, j’entends le téléphone sonner ! »

« C’est magique, j’entends le téléphone sonner ! »

Aîné de 4 enfants et âgé de 16 ans, Yohannes Gebremicaël est arrivé en Suisse il y a moins de deux ans. A Montreux d’abord, puis à Yverdon-les-Bains où il vit désormais. Malentendant depuis l’âge de 5 mois, ce jeune homme doit affronter deux défis majeurs : apprivoiser son ouïe, puisqu’il vient d’être appareillé, et apprendre le français.

Comment êtes-vous devenu malentendant ?

C’est arrivé quand j’étais très jeune, en Erythrée. Je devais avoir 5 mois lorsque j’ai contracté une méchante méningite, qui m’a occasionné une perte auditive sévère, puisqu’il me restait moins de 20% à chaque oreille ! C’est ma maman qui s’est, bien plus tard, rendue compte du problème, car je ne lui répondais pas quand elle m’appelait !

Comment s’est passée votre scolarité dans ces conditions ?

Très mal, à cause des problèmes d’audition. En Erythrée, je n’ai pas reçu beaucoup d’aide à l’école. J’ai donc passé une enfance très solitaire à regarder la télévision, sans vraiment progresser, puisqu’à Asmara (ndlr capitale de l’Erythrée), je n’ai même pas appris à lire…

Etiez-vous appareillé ?

Non, pas du tout. Je n’ai eu mes appareils que quand je suis arrivé en Suisse, il y a moins de deux ans, quand ma maman a dû quitter notre pays en raison de la guerre et des problèmes politiques qui s’y déroulent. En fait, j’ai beaucoup de reconnaissance pour la Suisse, l’accueil qu’elle m’a réservé et l’aide qu’elle nous apporte. Les appareils auditifs ont changé ma vie, puisque désormais j’entends correctement ! Rendez-vous compte comme c’est magique : j’entends désormais le téléphone sonner !

Qu’avez-vous suivi comme scolarité, lors de votre arrivée en Suisse ?

En arrivant, je ne parlais pas un mot de français. J’ai donc aussitôt été inscrit à des cours d’apprentissage du français pour jeunes migrants à l’Etablissement Primaire et Secondaire de Montreux-Ouest, ville où nous sommes arrivés. Comme j’étais le seul à avoir des problèmes d’audition, c’est une amie de ma mère, également Erythréenne, qui m’a accompagné pour m’aider et me soutenir. Et puis j’ai le soutien de ma famille : ils apprennent tous à coder pour pouvoir m’aider !

Apparemment vous avez bien travaillé, puisque vous avez reçu le Prix aux élèves malentendants, décerné par forom écoute…

Oui, ce prix m’a bien fait plaisir ! J’ai beaucoup progressé en français, que je comprends de mieux en mieux. J’ai appris aussi à écrire, car le français n’a rien à voir avec l’érythréen (rires).

Où en êtes-vous aujourd’hui de votre scolarité ?

Je suis désormais inscrit à l’OPTI de Lausanne, l’Organisme pour le Perfectionnement scolaire, la Transition et l’Insertion professionnelle. Là-bas, ils ont un programme spécifique qui prend en charge des élèves non francophones âgés de 15 à 20 ans et arrivés récemment en Suisse. Le but, c’est de nous préparer afin de réussir au mieux notre insertion professionnelle.

Et quels sont vos objectifs professionnels ?

Je rêve de devenir mécanicien-auto ! En fait, j’adore les voitures depuis tout petit, et j’ai un caractère un peu maniaque, j’aime que les choses soient nettes et bien ordonnées (rires) !

En dehors des études, à quoi consacrez-vous votre temps ?

Je fais pas mal de sport, du foot, du basket, du volley et bien sûr, de la course à pied ! Et je continue à regarder beaucoup la télévision. En fait, je n’ai pas encore eu la possibilité de me faire beaucoup d’amis, en raison de la malaudition, et de la langue que je ne maîtrise pas encore suffisamment. Mais depuis que je suis à l’OPTI, je commence à développer des liens, car j’ai enfin la possibilité d’interagir avec des jeunes de mon âge !

Propos recueillis par Charaf Abdessemed