Publié le: 10 janvier 2019

Des groupes de parole constructifs

Des groupes de parole constructifs

Le premier cycle de groupes de parole invitant des personnes malentendantes ou sourdes à échanger, s’est achevé en décembre dernier. Réactions à chaud.

Depuis la rentrée 2018, Corinne Béran, psychothérapeute FSP, spécialisée en surdité, en collaboration avec forom écoute, a mis en place deux groupes de parole. Ceci dans le but d’offrir aux personnes sourdes, malentendantes depuis la naissance, l’enfance ou sur le tard, la possibilité de se rencontrer dans un cadre structuré, pour évoquer leurs épreuves du quotidien sans qu’au préavis, la psychologue ne choisisse de thématique.

Cette démarche devrait permettre aux personnes subissant un handicap de profiter de l’expérience de chacun pour trouver leurs propres solutions. Plus encore, d’évoquer les fondements transmis par l’entourage durant l’enfance et l’importance d’acquérir des bases solides, de tisser des liens, de comparer aussi, et peut-être de dédramatiser chaque situation, obstacle ou jugement extérieur. C’est notamment dans le cadre professionnel dans lequel certains participants sont actifs, que le mal être réside. Premier bilan après sept séances bimensuelles.

Table ronde
Par le biais de forom écoute, chacun s’inscrit de son plein gré. Confortablement installé dans le cabinet de Corinne Béran, le groupe du mardi soir a aimablement joué au jeu des questions-réponses. Francine, Brijou, Yaaleni, Alfred et Vincent présents ce soir-là, racontent spontanément les tenants et les aboutissants de ces rencontres, durant lesquelles chacun laisse libre cours à ses paroles.

Francine, la cinquantaine, est malentendante depuis 20 ans, suite à une maladie évolutive et cherche à s’intégrer depuis un an environ dans un groupe comme celui-ci. Encouragée par ses amis, elle a fait le pas et trouve l’expérience positive. « Il est évident que nous, malentendants, devons nous adapter au monde extérieur. Ces rencontres me permettent de faire la part des choses et de moins me sentir coupable de mon handicap. J’apprends également à exprimer mes besoins plus facilement ».

A l’âge de huit ans, Brijou est diagnostiquée malentendante. Elle essaie du mieux qu’elle peut de vivre le plus normalement possible dans le monde des entendants. Pour se sentir intégrée, elle fournit beaucoup d’efforts, se surpasse parfois jusqu’à s’épuiser, sans qu’elle puisse vraiment l’admettre. « Le handicap, qui n’est pas visible au premier abord, ne m’a pas aidée à prendre davantage soin de moi et à respecter mes limites. Aujourd’hui, j’ai 55 ans et je prends conscience de certaines réalités, j’accomplis une introspection qui me permet d’accepter mon handicap et de fait, ma différence. Je réalise également que je n’en suis pas responsable. Autour de cette table ronde, je trouve ma place. Je suis enfin assise sur la bonne chaise et plus entre deux ! ».

La jeune Yaaleni est sourde de naissance. Si elle a éprouvé de la gêne au début des séances, elle a lâché la bride au fil des échanges. Grâce à un petit micro qui passe de main en main, elle peut saisir le contenu des discussions parlées, parfois soutenues par du code LPC ou de la langue des signes. « J’apprends à m’exprimer de manière plus aisée et grâce à ses rencontres, je commence à accepter ma surdité ».

Alfred, fraîchement retraité, souffre de malentendance depuis peu, suite à une maladie. « Je suis soulagé de pouvoir comparer les diverses situations et trajectoires de chacun avec la mienne, ce qui me permet de me sentir moins seul face à mon handicap. Dans le cadre de ces rencontres, je constate avec joie que nous, malentendants ou sourds, éprouvons plus de facilité à exprimer notre ressenti et nos sentiments que les personnes entendantes. C’est très enrichissant ».

Vincent, pour sa part, est sourd de naissance. Il se sent entendu et écouté par le groupe, exprime ses besoins cherchant en parallèle des solutions pour mieux évoluer dans le monde entendant. « C’est un défouloir qui me permet, entre autres, de reconnaître mes propres limites, mais aussi d’aller au-delà et d’accepter que cette situation n’est pas de ma faute ». Mis à l’écart dans le cadre de son travail, il choisit aujourd’hui de ne plus espérer qu’on lui accorde un peu d’empathie et d’indulgence ; « ça me donne des ailes pour m’orienter vers d’autres horizons ».

A double sens
Bienveillance envers les autres sans jugement aucun, lâcher prise, volonté de construire ou reconstruire un quotidien plus adapté à chaque besoin, complicité du groupe se sont ressentis lors de cette soirée. « En tant qu’invitée entendante pour retranscrire le message de chacun à travers ces quelques lignes, j’ai vécu une belle leçon de vie. Et de m’interroger sur la responsabilité et le devoir de tous d’agir avec plus d’humanité. Créer des groupes de parole ou des rencontres avec des entendants permettrait peut-être de leur faire constater que les différences sont complémentaires et constituent une force et non une faiblesse ! ».

C’est autour d’un apéritif de Noël initié par Corinne Béran, que l’idée de se revoir hors contexte est née, ce qui permettrait de poursuivre les échanges. Après une pause de fin d’année pour digérer ces entrevues, certains se sentiront suffisamment stimulés, d’autres s’inscriront à nouveau pour poursuivre leur quête.

De plus amples informations et les dates des prochains cycles de séances seront prochainement affichées sur le site : www.ecoute.ch