Publié le: 08 décembre 2024

«Ecoute Voir» ou la passion de rendre la culture accessible aux malvoyants et malentendants

«Ecoute Voir» ou la passion de rendre la culture accessible aux malvoyants et malentendants

Depuis exactement 10 ans, l’association Ecoute Voir, basée à Yverdon-les Bains, œuvre pour l’accessibilité des arts vivants aux personnes handicapées sensorielles. Pour les malentendants en particulier, elle offre un très précieux surtitrage des spectacles, un peu partout en Romandie.

C’est bien connu. Qui dit handicap dit exclusion sociale, mais aussi culturelle. De fait, des milliers de personnes présentant une perte auditive ou visuelle vivent exclues de la magnifique offre culturelle dont la Suisse regorge pourtant.

En 2004 pourtant, la Suisse adoptait dans l’article 8 de la Constitution fédérale, une Loi sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, la célèbre LHand. Seulement voilà : 20 ans après son entrée en vigueur, l’accès à la culture en reste le parent pauvre. Et c’est forte de ce constat que dès 2014, Corine Doret Bärtschi décide de fonder l’association Ecoute Voir, avec pour objectif de proposer l’audiodescription de théâtre ou d’opéra au public malvoyant.

Fusion

En 2020, elle est rejointe par Anne-Claude Prélaz Girod, fondatrice du Projet Sourds&Culture dont l’objectif est similaire, mais cette fois-ci en direction d’un public sourd et malentendant, et auquel est proposé une interprétation en langue des signes française de pièces de théâtre. Objectifs similaires, volonté commune de servir, les deux responsables décident de fusionner leurs deux associations, en conservant le nom « Ecoute Voir », qui résume très bien l’ensemble de leur projet commun : permettre l’accès à la culture et aux loisirs aux personnes en situation de handicap sensoriel.

Depuis, le panel de prestations proposées par Ecoute Voir s’est enrichi d’un volet fondamental pour les malentendants : le surtitrage. « Il manquait en effet quelque chose pour les malentendants, observe Marie-Odile Cornaz, responsable de ce projet au sein de l’association. C’était une volonté des deux fondatrices d’élargir notre offre, pour proposer un soutien supplémentaire à ce public, du reste en complément avec les boucles magnétiques dont tous les théâtres ne sont malheureusement pas forcément pourvus ».

En 10 ans, ce sont ainsi pas moins de 45 œuvres qui ont été proposées en surtitrage, dans divers cantons romands, particulièrement Vaud et Genève. Un chiffre impressionnant si l’on prend compte la titanesque charge de travail que cela implique, puisqu’en pratique, l’essentiel se fait en amont : « Nous travaillons avec deux surtitreuses auxquelles je fournis une captation vidéo de la pièce. Elles procèdent ensuite à un grand travail de découpe et surtout d’ajout des effets sonores en surtitrage. Le résultat est ensuite relu, en particulier par des sourds et malentendants, afin d’en évaluer la compréhension. Au total, on estime qu’une minute de spectacle surtitré équivaut à une heure de travail ».

Financement

Le résultat en tout cas, est plébiscité par le public malentendant : à chaque représentation en effet, 5 à 15 personnes s’annoncent pour bénéficier du surtitrage, sans compter les personnes malentendantes non annoncées sans compter le public sans handicap sensoriel, mais ravi de bénéficier d’un tel complément.

Pour obtenir un tel résultat, Ecoute Voir peut compter sur un budget annuel global d’environ 450'000 francs, entièrement financé par des dons, soit d’institutions publiques comme les cantons de Genève et de Vaud, les Villes de Genève, de Gland et d’Yverdon, ou encore de fondations privées. A cela il faut ajouter une contribution des théâtres. « Depuis deux ans, nous demandons à chaque théâtre de financer 20% de chaque surtitrage, ajoute Marie-Odile Cornaz, car eux même sont subventionnés par les pouvoirs publics avec une demande d’amélioration de l’accessibilité. Cela nous permet de garantir notre prestation, et c’est un investissement très utile sur le long terme, puisqu’une fois le surtitrage effectué, il peut être réutilisé pour d’autres dates et d’autres lieux ».

Et de conclure : « Il y a un vrai paradoxe à constater que les pouvoirs publics nous sollicitent sans cesse pour notre expertise en termes d’accessibilité de la culture pour les personnes en situation de handicap sensoriel, alors que les financements ne suivent pas vraiment ».

www.ecoute-voir.org