Publié le: 15 septembre 2012

En randonnée sur les cimes

En randonnée sur les cimes

A 82 ans, Françoise Doutre-Roussel a plus de 50 ans de randonnées et de sorties en montagne dans les jambes. Qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente, cette passionnée discrète et bienveillante affiche une forme éblouissante et n’hésite pas à affronter les éléments pour aller à la rencontre de la nature. Retour sur une aventure hors norme.

Rarement, rubrique de magazine aura autant mérité son nom. Car des escapades, Françoise Doutre-Roussel, malentendante légère en raison d’une presbyacousie, en pratique depuis… une bonne cinquantaine d’années. Et au rythme de plusieurs dizaines par an !

Etrange tout de même, que cette rencontre entre une fille de la ville, - Françoise est née et a grandi à Paris -, et le monde de la montagne. Comme souvent dans la vie, tout a commencé par… un malheur. Très jeune, Françoise souffre en effet de tuberculose. Pour l’aider à guérir, c’est tout naturellement en montagne, en Savoie qu’on l’envoie. « J’ai à ce moment-là fait la connaissance du massif de la Meije, raconte-t-elle. Et pour moi qui sortais de mes barres d’immeubles à Paris, ce premier contact avec la montagne a été un véritable coup de foudre. J’ai trouvé ça extraordinaire !»

Compétitions

Mais il était écrit que cette rencontre n’était qu’un premier rendez-vous avec le monde des cimes. Quelques années plus tard, - c’était il y a plus de cinquante ans ! -, c’est l’amour qui amènera en Suisse, dans le canton de Vaud, celle qui deviendra la maman de Michèle Bruttin, l’actuelle présidente de forom écoute. Et dès 1961, la jeune Françoise adhère à son club de montagne, le Piolet-Club de Renens-Lausanne (www.piolet-club.ch), dont elle est aujourd’hui encore membre.

Et là, par le biais du club et au hasard des rencontres, Françoise apprend peu à peu à apprivoiser le monde de la montagne. « J’ai dû tout apprendre, raconte-t-elle avec sa réserve coutumière. Le ski, le ski de fond, la randonnée à peau de phoque, et même la varappe, le mot que l’on utilise dans le jargon pour parler… d’escalade. » Et dans cet univers, les sorties qui peuvent durer une journée entière voire plus, ne se comptent pas en kilomètres mais… en mètres de dénivelé.

Petit à petit, année après année, le métier rentre, et Françoise Doutre-Roussel affiche de jolies performances. « C’est sûr, je n’ai pas fait le Mont Rose (second plus haut massif des Alpes après le Mont-Blanc, ndlr) du jour au lendemain, et je me rappelle qu’à mes débuts j’étais épuisée toute la semaine, jusqu’au jeudi. Ce qui ne m’empêchait pas de recommencer le week-end suivant ! »

Amitié

Car au bout de l’effort, il y a bien sûr l’extraordinaire sensation de plénitude que l’on éprouve lorsqu’on va à la rencontre de la nature, de soi-même, mais aussi des autres. « Le monde de la montagne, reprend Françoise, c’est aussi le monde de l’amitié et de la camaraderie. On s’entraide, on apprend à se connaître et on fait même des tas de choses ensemble. Et cela dure depuis 50 ans ! »

Certaines amitiés peuvent néanmoins parfois être mises à mal par la dure loi de la nature. Car la montagne est un monde impitoyable pour qui n’en maîtrise pas les règles, et il arrive qu’elle impose sa loi à ceux qui tentent de la conquérir. Car un jour, alors qu’elle était en varappe à la Dent de Morcles, accompagnée de deux amis, la catastrophe survient. « C’était il y a une trentaine d’années, se souvient-elle avec pudeur. Celui de mes amis qui était en dernier a déroché, son piton s’est descellé, il est tombé et y a laissé sa vie. J’ai eu tellement peur que j’ai décidé d’arrêter la varappe. »

Nouvelles activités

Aujourd’hui, à 82 ans, cette amoureuse de la vie et des plaisirs simples, qui garde bon pied bon œil et ne fait vraiment pas son âge, pratique encore allègrement les sports de montagne. « Actuellement, nous préparons une sortie au Molard, lance-t-elle devant la carte dépliée sur la table de son salon. Bien sûr, on s’adapte à notre âge et on fait des randonnées moins difficiles et moins éprouvantes. Et chaque hiver, je fais de nombreuses sorties en raquettes, moins exigeantes. Je n’ignore pas que la montagne a beaucoup contribué à me maintenir en forme, mais je fais plus attention. Désormais, je cherche de nouvelles activités pour rencontrer des gens et me tourne gentiment vers d’autres associations, comme l’amicale des malentendants de Morges ».

Aujourd’hui, Françoise Doutre-Roussel n’a qu’un seul regret. Celui qui agite depuis des décennies, des générations entières de grimpeurs. Car le mythique et majestueux Mont-Blanc s’est refusé à elle. « Nous étions bien partis pour y arriver, se souvient-elle avec une pointe de nostalgie dans la voix. Nous sommes arrivés jusqu’au refuge, mais en raison du mauvais temps, on a dû se résoudre à redescendre ! »

Et cette éternelle optimiste de conclure: « ce n’est pas bien grave. Ceux qui sont parvenus jusqu’au sommet racontent souvent qu’ils ont été très déçus par la vue ! »

ChA