Publié le: 19 novembre 2012

En train à travers la Russie soviétique

En train à travers la Russie soviétique

Avide de voyages et dotée d’un esprit très indépendant, Lucienne Bersier, malentendante et membre de l’Amicale de Lausanne, a sillonné le monde entier. Un de ses plus beaux souvenirs demeure un passionnant voyage en Union soviétique, en 1983. Point d’orgue de ce périple: le Transsibérien, train mythique qui relie Moscou à Vladivostok.

« Les voyages forment la jeunesse ». Pour Lucienne Bersier, malentendante et membre de l’Amicale de Lausanne, ce vieil adage est une réalité. Car cette octogénaire fringante affiche une forme éclatante. Le secret de son élixir de jouvence ? Un amour jamais démenti pour les horizons lointains. Depuis plus de 50 ans, elle effectue chaque année au moins un grand voyage, quelque part dans le monde.

« J’avais un bon travail comme employée de bureau et j’étais célibataire, se souvient-elle. A la différence de ceux qui avaient une charge de famille, j’avais la possibilité de m’offrir ces voyages ». Australie, Nouvelle-Zélande, Namibie, Argentine, Indonésie, Chine, Alaska, Tahiti, Etats-Unis, Scandinavie, Îles Fidji, etc., peu de pays ont échappé à son inextinguible soif de voyages et de découvertes.

Diversité

Mais de toutes ces destinations, reste un souvenir plus marquant que les autres: celui d’un long périple à travers la Russie. Ou plutôt, comme on disait à l’époque, l’URSS. Car nous sommes en mai 1983, et le pays d’alors n’a rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui. Marqué par l’idéologie soviétique, dominé par un régime fort et autoritaire, il est peu ouvert au tourisme étranger.

Pour Lucienne, avide de grands espaces et de nouveauté, la destination est néanmoins attirante. Ni une ni deux, la voilà qui embarque avec une amie dans un avion. Destination Kiev, aujourd’hui devenue la capitale de l’Ukraine indépendante. S’ensuivent alors, accompagnées d’une guide et dans le cadre d’un grand groupe comptant une vingtaine de Suisses, 15 jours de sauts de puce en avion à travers les grandes villes de l’URSS: Yalta au bord de la Mer Noire, Erevan en Arménie, Tbilissi en Géorgie, Samarkand et sa merveilleuse route de la Soie, puis Tachkent.

« Ce qui était frappant, se souvient-elle, c’est la grande diversité des ethnies qu’on pouvait y rencontrer. Mongols, Russes, Caucasiens, etc., c’était vraiment un pays de contrastes ! » Et d’ajouter: « je suis une enfant de la campagne, alors par nature, les villes m’intéressent peu. Ce que j’aime, ce sont les petits villages et les grands espaces de la nature ».

Et les souvenirs s’enchaînent, des paysages et des lieux folkloriques bien sûr, mais aussi des scènes inoubliables, comme ce défilé de vétérans de la Seconde Guerre mondiale, légèrement avinés et le torse bardé de médailles…

« Nous pouvions nous mêler à la population, raconte Lucienne. Mais avec la barrière de la langue, ce n’était pas toujours facile de communiquer. D’une manière générale, nous étions très bien accueillis, les gens étaient exubérants, chaleureux et très sympathiques ».

Vieux rêve

Mais le meilleur souvenir de ce passionnant voyage reste sans conteste le Transsibérien, cette mythique voie ferrée de près de 10'000 km qui, aujourd’hui encore, relie Moscou à Vladivostok, en Sibérie. « C’était un rêve de longue date, raconte Lucienne Bersier. Ça me paraissait très romantique, avec un côté Docteur Jivago, d’autant que j’aime bien le train. J’avais fait une fois le Train bleu en Afrique du Sud, alors je m’étais dit, pourquoi pas le Transsibérien ? »

Nos deux voyageuses n’effectueront cependant qu’une petite partie du trajet historique, juste entre Irkousk et Novosibirsk. Pendant deux jours, sur pas moins de 18 arrêts, le train traverse les immenses étendues de la taïga sibérienne, sur fond d’isbas (maisons russes traditionnelles construites en bois) et de neige, le tout à une allure d’escargot. « Le train allait vraiment très lentement, se souvient encore Lucienne. Une fois, il allait tellement doucement qu’un jeune homme a même eu le temps de descendre cueillir des fleurs et remonter dans son wagon! Et puis, souvent aux arrêts, on descendait se dégourdir les jambes sur les quais, acheter de la confiture aux paysannes, etc. En tout cas, les conditions de voyage étaient superbes, on avait une très confortable cabine avec deux couchettes et la nourriture était excellente ! »

Réalité communiste

Malgré tout, la Russie soviétique est loin de ce tableau idyllique et Lucienne garde intact le souvenir de la réalité communiste. « Nous étions tout de même surveillés, on avait d’ailleurs surnommé notre guide, sympathique par ailleurs, « le KGB ». Il y avait les interminables fouilles dans les aéroports, l’interdiction catégorique de photographier ou de filmer les bâtiments officiels et les interminables files d’attente devant les magasins. J’ai tout de même réussi à filmer un ou deux plans en catimini ! »

A la retraite depuis une vingtaine d’années, et aujourd’hui octogénaire, Lucienne Bersier demeure très friande de voyages, même si elle a désormais renoncé aux destinations trop lointaines, en partie à cause de son handicap auditif. « Plus jeune, je me réservais la Suisse pour mes vieux jours. Aujourd’hui, j’ai un abonnement général CFF, et il m’arrive souvent de débarquer à la gare de Lausanne pour choisir ma destination au dernier moment, c’est vraiment fabuleux ! Le reste du temps, je marche au moins une heure par jour et je vais au fitness deux fois par semaine ». Décidément, les voyages forment vraiment la jeunesse !

ChA