Publié le: 20 novembre 2022

Grâce à des jeux sur tablettes, les enfants sourds implantés apprennent à entendre

Grâce à des jeux sur tablettes, les enfants sourds implantés apprennent à entendre

Depuis plusieurs années, le Centre romand d’implantation cochléaire travaille sur des jeux informatiques qui, sur une tablette, permettent aux jeunes enfants implantés de s’entraîner à entendre et à parler. Uniques au monde, ces logiciels sont en cours d’évaluation, avec de premiers résultats très prometteurs.

C’est désormais bien connu. Pour les enfants sourds à qui l’on a posé, très jeunes, un implant cochléaire, la réhabilitation et le travail avec un logopédiste représentent un enjeu majeur. Et pour cause : le défi pour eux qui n’ont jamais entendu, est d’apprendre à entendre et à parler sur la base d’une identification imparfaite des sons. Pour réussir cette performance, le travail mené avec les logopédistes du CURIC, le Centre romand d’implantation cochléaire de Genève, doit obligatoirement être doublé d’exercices à la maison, en plus des séances à l’hôpital.

Et c’est là qu’interviennent deux projets très innovants de jeux sur tablettes, dits de « réhabilitation auditive  d’enfants appareillés ou implantés cochléaires ».  Sur la base d’outils numériques modernes, leur but n’est pas de remplacer le logopédiste, mais de fournir aux enfants des outils qui leur permettent de s’entraîner à la maison. AudioRehab, aide ainsi de manière très ludique l’enfant implanté à améliorer sa compréhension du langage, tandis que FunSpeech vise de son côté à l’inciter à s’entraîner à parler. « Le travail avec le logopédiste ne suffit pas, explique l’ingénieure Angélica Pérez Fornos qui dirige le CURIC. Le problème c’est que pour un petit enfant, travailler devant un ordinateur, même accompagné par ses parents, est difficile. D’où l’idée de développer ces jeux sur tablettes, afin de permettre de pratiquer à la maison ».

Collaboration avec l’HEPIA

Lancé en 2017 grâce à une collaboration avec les ingénieurs de la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA), une première version de FunSpeech a été élaborée en 2020. « Le CURIC nous a expliqué ses besoins, c’est-à-dire une alternative plus moderne à ses vieux logiciels et qui devait pouvoir être exécutée sur des tablettes, se souvient Florent Glück, professeur dans la filière Informatique et Systèmes de Communication à l’HEPIA. Nous avons ensuite travaillé deux bonnes années sur la programmation du code informatique de FunSpeech pour aboutir à un jeu stable et utilisable qui a progressivement été amélioré par la suite ».

Avec pour résultat un logiciel articulé sur des mini-jeux qui réagissent aux premiers sons de l’enfant – par exemple en faisant disparaître un animal lorsque l’intensité du son produit par l’enfant augmente -, et qui ressemble à s’y méprendre à un classique jeu éducatif pour petits enfants.

« L’idée était d’obtenir un jeu qui permette à l’enfant de produire ses premiers sons et d’apprendre à maîtriser sa voix en termes de rythme, d’intensité et de fréquence », explique Maelys Le Magadou, assistante de recherche en charge du projet au CURIC, qui ajoute : « Il a fallu en outre être très attentif à la simplicité de l’interface graphique pour que celle-ci ne distraie pas trop les enfants qui, en tant que malentendants ont tendance à surinvestir le visuel. C’est pour cela que le graphisme de FunSpeech est épuré au maximum».

Evaluation en cours

Unique au monde - aucun projet de ce type n’a pour l’heure été développé ailleurs-, FunSpeech fait actuellement l’objet d’une étude d’évaluation, menée sur 13 familles et dont les résultats sont attendus pour l’année prochaine. Avec de premières conclusions très encourageantes : d’une part le jeu plaît aux jeunes enfants, et d’autre part à leurs parents, qui sont mieux guidés dans leur soutien à leur enfant.

En outre, et ce n’est pas le moindre, les enfants semblent réellement progresser dans leur démarche d’apprentissage. « L’une des craintes des parents était que leurs enfants deviennent en quelque sorte « accros » aux écrans, observe Maelys Le Magadou. Mais celle-ci s’est avérée infondée car l’usage de la tablette est spontanément limité par l’enfant qui ne peut y passer trop de temps : apprendre sur FunSpeech est exigeant sur le plan cognitif et les enfants, au bout d’un moment s’arrêtent, pour se tourner vers leurs parents. Et c’est d’ailleurs l’un des effets bénéfiques et inattendus de ce jeu : on s’est rendu compte qu’il rapprochait les familles !».

L’avenir, pour les logiciels de réhabilitation auditives élaborés au CURIC, s’annonce donc sous d’heureux auspices. A moyen terme, il s’agira de les rendre multilingues et téléchargeables sur les diverses plateformes mobiles actuellement disponibles pour tablettes et smartphones. « Si nous arrivons à obtenir des financements, nous aimerions également pouvoir créer un espace « parents » dans nos jeux, afin de mettre directement à leur disposition des astuces et des conseils qui pourront les guider dans l’accompagnement de leur enfant », espère en outre Angelica Perez Fornos qui ajoute : « Cela ne remplacera certes jamais le travail avec les logopédistes mais nul doute que ce sera un complément très utile ».