Publié le: 24 août 2021

Manon Zecca, une sourde engagée sur tous les fronts

Manon Zecca, une sourde engagée sur tous les fronts

Personnalité atypique et engagée, devenue déficiente auditive à l’âge de 17 ans, implantée cochléaire à 22 ans, Manon Zecca vient d’entrer au conseil communal de Lausanne. Portrait d’une Lausannoise de 29 ans qui porte haut ses convictions au service des personnes handicapées mais aussi des faibles, des opprimés et des damnés de la terre.

A l’époque, quand le diagnostic est tombé, ce fut une sorte de sidération. Manon Zecca n’a que 17 ans quand elle perd son audition. Progressivement, inexorablement et sans que l’on sache exactement pourquoi. Tout au plus une cause dégénérative a-t-elle été évoquée. « Quand on vous annonce que c’est un processus évolutif, c’est évidemment une perspective difficile à appréhender. Je l’ai vécue d’abord comme une épreuve très personnelle que j’ai dû essayer d’intégrer de la manière la plus résiliente possible, histoire d’en faire quelque chose ».

La perte inéluctable étant annoncée, malgré le soutien d’appareils auditifs, la jeune Manon tente de se préparer au mieux et apprend donc la langue des signes. Sauf que dans l’intervalle, au cours d’un examen – elle a 22 ans -, un médecin lui propose une implantation cochléaire. « On ne m’avait jamais parlé auparavant d’implant cochléaire et je pensais vraiment que j’allais finir par devenir sourde. Au final, la pose de l’implant m’a beaucoup aidée, raconte-t-elle, puisque la peur de la baisse d’acuité auditive a disparu. Et d’ailleurs, après coup, je me suis rendu compte à quel point j’avais dû faire des efforts dans ma vie quotidienne, à quel point aussi j’avais eu tendance à éviter les interactions sociales. »

Identité de sourde

De cette expérience, Manon Zecca ressort avec une identité de sourde bien affirmée. Elle qui obtient à l’université de Fribourg un bachelor, puis un master en sciences sociales, décide de faire ses stages à la Fédération suisse des sourds, puis à l’ECES, l’École cantonale pour enfants sourds de Lausanne, dans le but de se forger une expérience dans le monde du handicap. « Étonnamment, se souvient-elle, je pensais que cela ne me plairait pas. Eh bien, cela m’a beaucoup plu ! ». Résultat : dans la foulée, elle devient durant une année enseignante en renfort pédagogique à l’ECES, puis est recrutée comme éducatrice au Centre pour jeunes sourds « Les chemain’S »,  à Renens où elle travaille depuis 2018. « C’est un travail de terrain avec les personnes sourdes et j’y suis très heureuse » raconte celle qui, de son handicap auditif, a su faire un véritable projet de vie.

Et pourtant, limiter Manon Zecca à la surdité serait tellement réducteur. Car en réalité, la jeune femme, élevée dans une famille d’artistes, a fait la preuve d’un engagement bien plus étendu, avec comme dénominateur commun, la défense des plus faibles et la lutte contre les inégalités. A l’école enfantine déjà, elle prenait la défense des plus fragiles, prélude à son action future pour les minorités et les opprimés. Grève des femmes, sans-papiers et migrants, communauté sourde, lutte contre le racisme, défense des minorités sexuelles, la jeune femme est décidément sur tous les fronts.

Engagement politique

De retour à Lausanne après ses études, cette sympathisante de longue date des mouvements de gauche par affinité personnelle et par tradition familiale, décide de donner un tour plus actif à ses convictions et contacte le parti d’extrême gauche Solidarités, où elle est accueillie à bras ouverts. « Sur le tard, j’ai concrétisé mes révoltes d’adolescente en engagement militant, assorti des armes de la sociologie qui m’ont permis d’explorer les dynamiques sociales et les dimensions collectives » raconte-elle, toujours très analytique.

Après des discussions au sein de Solidarités sur l’opportunité d’une présence au conseil communal, la voilà qui se présente aux élections communales de Lausanne et se retrouve, à sa grande surprise, élue en mars dernier avec 12 autres collègues de la liste Ensemble à Gauche. « J’espère que l’on ne va pas se perdre dans des futilités dans ce conseil », sourit-elle, très consciente de ses responsabilités : « Et puis bien sûr, il va me falloir moi aussi me montrer à la hauteur de la tâche, amener des idées et porter la voix des personnes handicapées dans l’enceinte politique, les inégalités qu’elles vivent étant insupportables».