Publié le: 18 novembre 2020

« Pour un non-initié, il est presque impossible de choisir un appareil auditif approprié sans l’aide d’un spécialiste »

« Pour un non-initié, il est presque impossible de choisir un appareil auditif approprié sans l’aide d’un spécialiste »

Une étude publiée par l’Office fédéral des Assurances sociales confirme que contrairement à ce qui était escompté, le remboursement forfaitaire des appareils auditifs n’a pas fait baisser leur prix. Les explications de Stefan Ritler, vice-directeur responsable du domaine Assurance-invalidité à l’OFAS.

Comment expliquez-vous que près de 10 ans après son entrée en vigueur, le système de remboursement forfaitaire des appareils auditifs n’ait pu faire jouer la concurrence et partant, conduire à une baisse de prix ?
La concurrence joue sur les marchés ordinaires, qui sont suffisamment transparents : pour les ordinateurs par exemple, il est possible de comparer la performance, la capacité de stockage, les connexions et les prix affichés. À l’introduction du système forfaitaire (ce qui a eu pour effet que l’assuré est devenu client), on est parti de l’idée que ce serait aussi le cas du marché des appareils auditifs. De notre point de vue, le fait que la concurrence (des prix) ne puisse pas jouer entièrement pour les appareils auditifs est principalement dû à l’absence de transparence du marché. Pour un non-initié, il est presque impossible de choisir un appareil auditif approprié sans l’aide d’un spécialiste. De plus, il est difficile de comparer les prix ; il faut demander des offres à plusieurs prestataires, puis comparer des prestations très différentes et pas toujours très claires.

Selon l’étude, les personnes porteuses d’un appareil auditif sont trop peu informées et pas assez sensibles aux prix. Comment expliquez-vous ce phénomène, en particulier le fait que les bénéficiaires AI acquièrent des appareils plus performants et donc plus onéreux que ce que concède le remboursement forfaitaire. Que peut faire l’OFAS pour améliorer/renforcer l’information des personnes porteuses d’un appareil auditif ?
Je viens de mentionner l’absence de transparence comme raison. L’étude a également montré que les clients suisses sont peu sensibles aux prix. Ils estiment manifestement, sans doute aussi par manque d’information, que « plus cher » signifie « meilleur ». Mais le choix dépend aussi de la manière dont le fournisseur de l’appareil auditif exploite l’asymétrie d’information à son avantage. Comme le montre l’étude, il y a des différences notables entre les prestataires. À chaque demande d’appareil auditif, les offices AI informent les assurés au moyen d’un mémento. Des informations sont également disponibles sur les sites Internet de l’OFAS et des offices AI. De plus, en vertu de l’art. 74 LAI, les organisations de personnes malentendantes (par ex. pro audito, forom écoute) se voient octroyer des aides financières pour l’information des personnes concernées. L’OFAS devra examiner si ces organisations remplissent bien leur tâche à cet égard. Sans autre intervention sur le marché, l’OFAS ne voit actuellement aucune possibilité de forcer l’information des assurés.

Combien de personnes au bénéfice du remboursement forfaitaire ont-elles choisi d’acquérir leur appareil auditif à l’étranger ?
L’étude a établi que 2,9 % des factures ont été payées en euros, ce qui doit correspondre au volume des achats à l’étranger. D’après le sondage effectué dans le cadre de l’enquête de qualité, 5 % des appareils auditifs auraient été achetés à l’étranger, mais le sondage n’a été réalisé qu’auprès d’une partie de l’échantillon.

Dès 2011, les associations de sourds et malentendants, ainsi que M. Prix, Stefan Meierhans ont dénoncé le système de remboursement forfaitaire en expliquant d’emblée qu’il ne pouvait aboutir à une baisse de prix, la concurrence étant faussée. Pourquoi n’ont-ils pas été entendus plus tôt, alors que des études intermédiaires ont confirmé ce constat dès 2015?
Les premières études, qui ont été réalisées en 2013/14, peu après l’introduction du système forfaitaire, ont livré un premier aperçu. Il n’était alors pas encore possible de prévoir comment le marché allait évoluer à moyen terme. C’est pourquoi cette seconde étude a été réalisée maintenant. Les résultats montrent qu’il est tout à fait possible de choisir un appareil auditif sans supplément de prix (le taux de satisfaction des assurés qui sont dans ce cas est d’ailleurs le plus élevé, à égalité avec celui des assurés qui optent pour l’appareillage le plus cher), mais seule une minorité des assurés font ce choix. L’OFAS estime donc qu’il est nécessaire d’agir, et il examinera la fourniture d’appareils auditifs et leur remboursement dans le cadre d’un postulat de commission (voir l’avant-propos de l’OFAS à l’étude).

L’un des objectifs du dispositif de remboursement forfaitaire mis en place en 2011 était de décharger financièrement les assurances sociales. Cet objectif est-il atteint ? Si oui, dans quelle proportion ?
L’introduction du système forfaitaire a permis de réduire les coûts pour l’AI et pour l’AVS ; on tablait initialement sur des économies de l’ordre de 30 millions de francs au total. Cette somme a été dépassée suite à un pic de fournitures d’appareils auditifs peu avant le changement de système en 2011. Cependant, les conditions n’étant plus les mêmes (par ex. du fait du relèvement à mi-2018 de la contribution de l’AVS pour un appareillage binaural), il est difficile de déterminer dans quelle proportion l’objectif est atteint. Mais pour les assurances, le système forfaitaire est plus avantageux qu’un système tarifaire.

Enfin, quelles mesures l’OFAS pourrait-il adopter pour agir à court terme sur les prix des appareils auditifs ?
La question des appareils auditifs sera évaluée et les prochaines étapes seront définies dans le cadre du postulat susmentionné.