Publié le: 15 septembre 2012

Prix des appareils auditifs: le calme avant la tempête ?

Prix des appareils auditifs: le calme avant la tempête ?

Le 1er juillet 2011 entrait en vigueur un nouveau système de remboursement des appareils auditifs. Plus d’une année après, il reste très difficile d’évaluer l’impact réel de la réforme, tant sur les malentendants que sur le prix des appareils commercialisés.

« Avec les forfaits, nous faisons en sorte que les malentendants deviennent des acteurs du système et soient capables de mettre en concurrence les fabricants et les audioprothésistes. Car dès que le patient gère l’argent, cela met indirectement une pression sur les prix ». C’est en ces termes qu’en mai 2011, Yves Rossier, à l’époque directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), commentait la philosophie qui présidait à la nouvelle réforme du financement des appareils auditifs, basée sur un remboursement forfaitaire de 840 francs pour un appareil, ou 1650 francs pour deux appareils. Objectif affiché de la nouvelle loi: aller vers une réduction des coûts.

Peu de doléances

Plus d’une année après l’entrée en vigueur du nouveau système, il demeure très difficile de faire un bilan de la situation. Les objectifs en termes d’économie ont-ils été atteints par l’OFAS ? Plus important encore, comment les malentendants ont-ils géré ce changement en profondeur dans le financement de leurs appareils auditifs ? Et surtout, ont-ils réussi, en dépit d’une évidente baisse des prestations allouées, à faire l’acquisition d’appareils indispensables à leur vie quotidienne et conformes à leurs besoins ?
« J’ai eu au téléphone quelques cas de personnes qui ont clairement affirmé ne pas pouvoir s’appareiller à cause des prix et remboursements pratiqués», observe Céline Besson Schlup, cheffe de projets à forom écoute. Anne Grassi, responsable des boucles magnétiques à forom écoute, rapporte également qu’un certain nombre de malentendants ont reconnu « devoir renoncer à leur actuel modèle d’appareils au moment où ils devront le remplacer, pour en acheter un de gamme inférieure. »

« J’attends la rentrée pour faire le point avec les assistantes sociales, mais pour l’instant on a reçu assez peu de doléances, constate également Monique Richoz, directrice de Pro Infirmis Vaud. Nous sommes néanmoins déjà entrés en matière pour aider au financement d’appareils auditifs, j’ai ainsi à l’esprit l’exemple d’une jeune apprentie qui avait clairement besoin d’un appareil complexe en raison du contexte professionnel dans lequel elle évoluait, et que l’AI avait refusé de payer».

Année spéciale

Pour l’OFAS, il est encore beaucoup trop tôt pour faire une appréciation réelle de la situation. « L’année 2011 était une année très spéciale qui ne permet pas de comparaisons valables, se borne à constater Harald Sohns, chef suppléant de la communication de l’office. Peu de demandes ont été déposées depuis le 1er juillet, et encore moins ont été définitivement décidées par l’AI à fin 2011. »

Plusieurs raisons expliquent ce calme relatif sur le front des appareils auditifs et le manque de réactivité des malentendants. En premier lieu, nombre de personnes ne sont pas encore arrivées au stade du renouvellement de leur appareil actuel, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’elles seront confrontées à la nouvelle législation.

Enfin, comme souvent en cas de changement législatif, un certain effet de rush a été observé avant le 1er juillet. « J’ai remarqué que pas mal de demandes de renouvellement ont été déposées dans les semaines précédant l’entrée en vigueur du nouveau système financier, observe Daniel Hadorn, avocat à la Fédération Suisse des Sourds. La clientèle s’est approvisionnée en nouveaux appareils à la dernière minute ».

Attentisme

« En effet, suite à la publicité forcée des vendeurs, l’AI a enregistré une forte augmentation des demandes de prestations avant le 1er juillet, selon les règles de l’ancien système », confirme Harald Sohns de l’OFAS.

Au niveau de la baisse attendue des prix des appareils auditifs, un des objectifs affichés par la réforme, c’est également l’attentisme qui prévaut. Un projet de recherche de l’OFAS, intitulé « Analyse des prix d’acquisition des appareils auditifs », devra livrer ses résultats définitifs… à l’automne 2014.

Stefan Meierhans, Surveillant des Prix au niveau de la Confédération, et qui avait exprimé son scepticisme au moment de l’entrée en vigueur du nouveau système, entend demeurer vigilant: « il faudra compter avec une intervention de la Surveillance des Prix, si les résultats de l’étude démontrent que, comme nous le redoutons, le système actuel n’a pas conduit à des réductions substantielles des prix et que les prix des aides auditives en Suisse dépassent toujours ceux des pays de comparaison ».

ChA

[zone]Les cas de rigueur

Peu de malentendants le savent, mais il est toujours possible de demander à l’AI un financement au delà de l’allocation forfaitaire prévue par la loi. Dans une circulaire publiée en décembre 2011, l’OFAS précise ainsi ce qu’on appelle les cas de rigueur: « seuls peuvent demander à faire examiner un cas de rigueur des adultes exerçant une activité lucrative ou capables d’accomplir leurs travaux habituels et ayant droit à un remboursement forfaitaire par l’AI de leur appareil auditif conformément à l’expertise médicale de l’ORL ». Cependant, dénonce Marco Rugo, ancien employé de l’Office AI du canton de Fribourg et membre du Conseil de fondation de forom écoute, « on a le sentiment que la complexité de la procédure des cas de rigueur est vraiment pensée pour décourager les requêtes. Mais il est important de pousser les malentendants qui répondent aux critères à faire cette requête, quitte à ce qu’on leur dise non ! »[/zone]