Publié le: 15 novembre 2015

Regards Neufs, du handicap visuel au handicap auditif

Regards Neufs, du handicap visuel au handicap auditif

Pour la première fois en Suisse, en septembre dernier à Lausanne, une rencontre cinématographique s’est ouverte au public malentendant, en proposant des projections sous-titrées. Jusqu’à présent vouées à l’audiodescription pour un public d’aveugles et de malvoyants, les Rencontres  Regards Neufs prolongent ainsi leur action en faveur de l’accessibilité du cinéma aux personnes handicapées.

Le sous-titrage à la télévision ? Les malentendants y sont habitués depuis de nombreuses années. Réglementation oblige, la SSR en Suisse et de nombreuses chaînes de télévisions en Europe, consentent de gros efforts en ce domaine, et en dépit de quelques couacs, le résultat est en général plutôt satisfaisant. Seulement voilà, aussi incroyable que cela puisse paraître, le cinéma est à la traîne et nombre de malentendants expriment leur frustration devant leurs difficultés à accéder au Septième Art lorsque les salles obscures sont privées de boucles magnétiques et de sous-titrage.

« C’est le constat que nous avons fait, observe Bruno Quiblier, directeur des Rencontres Regards Neufs. Bien sûr, au cinéma, les malentendants ont accès au sous-titrage en français des films projetés en version originale. Mais les films francophones en revanche, ne leur sont pas accessibles ».

C’est donc incontestablement une première suisse. Les 3èmes Rencontres Regards Neufs, organisées à Lausanne par l’association Base-Court du 4 au 6 septembre dernier ont, pour la première fois, proposé des films sous-titrés au public malentendant. Mieux encore, chaque premier dimanche du mois au Pathé Flon de Lausanne et chaque dernier dimanche au Pathé Rialto de Genève, un film récent ou classique sera également sous-titré.

Moment de partage

« En France, et contrairement à la Suisse, la loi impose depuis un moment déjà le sous-titrage au cinéma, raconte Bruno Quiblier. Nous recevons donc déjà beaucoup de films en français déjà sous-titrés, d’où l’idée de les proposer dès maintenant au public. D’autant que le sous-titrage était déjà dans nos objectifs initiaux, lors du lancement des 1ères Rencontres Regards Neufs il y a cinq ans ! En outre, il nous arrive de financer nous-mêmes le sous-titrage de certains films quand celui-ci n’est pas disponible ».

Jusqu’à présent en effet, la vocation de Regards Neufs se résumait pour l’essentiel à l’audiodescription de films pour un public d’aveugles et de malvoyants, si possible dès le jour de leur sortie commerciale. « Nous avions choisi d’intituler notre événement Rencontres et non pas Festival car nous estimons que le public, qu’il soit non voyant et désormais malentendant, a vocation à se mélanger avec tous les publics. La manifestation est ouverte à tous et le principe est de partager un moment tous ensemble autour d’un film, voire même en compagnie de son réalisateur quand c’est possible. »

Comme souvent d’ailleurs, Regard Neufs a démarré par un concours de circonstances. « Un ami qui faisant de l’audiodescription en Italie m’a un jour fait remarquer qu’il n’y avait rien d’équivalent en Suisse. C’est comme cela que ça a démarré, et le comité de l’association Base-Court, qui à l’époque se consacrait pour l’essentiel au court-métrage, s’est immédiatement lancé dans l’aventure ! »

Une aventure qui s’étend désormais au sous-titrage et au public malentendant, l’audiodescription demeurant bien entendu encore de mise. Figurant dès le début de l’aventure dans le projet Regards Neufs, ce choix du sous-titrage a été renforcé par les résultats d’un grand sondage effectué l'année dernière auprès des personnes sourdes et malentendantes, en collaboration avec forom écoute et la Fédération Suisse des Sourds.

Bientôt les lunettes connectées

Et le résultat a été sans appel, puisque plus de 65% des sondés ont manifesté le désir d’avoir accès à des films francophones avec sous-titrage en salles de cinéma. Un premier galop d'essai a eu lieu lors des Rencontres Regards Neufs 2014, essai qui s'est avéré concluant, le public sourd et malentendant s’étant montré particulièrement enthousiaste.

Contacté, Pathé, partenaire historique de l’association Base-Court, s’est montré d’emblée favorable au projet. « Ils ont tout de suite dit oui, et je leur en suis très reconnaissant, se réjouit Bruno Quiblier. Car dans leur esprit, le cinéma se doit d’être accessible à tous les publics ». Un point de vue qui a d’ailleurs permis aux séances audiodécrites et sous-titrées d’être accessibles au même tarif que pour le grand public. Mieux encore, l’accompagnateur d’un spectateur non-voyant se voit même offrir la gratuité de la séance.

A peine lancé, le sous-titrage de Regards Neufs, dont le slogan est désormais « Une approche sensible du cinéma », semble voué à un bel avenir. Dans les années futures, il sera vraisemblablement étendu à l’ensemble de la Suisse. Et ce, à la faveur d’une innovation technologique prometteuse : les lunettes connectées. « Cela existe déjà en Allemagne, où une entreprise a mis sur le marché une application pour smartphones qui permet de télécharger gratuitement l’audiodescription et le sous-titrage d’un film, se réjouit Bruno Quiblier. Il suffit alors de mettre en relation smartphone et lunettes, et le tour est joué. Dès lors, comme l’appui technique des salles de cinéma ne sera plus nécessaire, l’audiodescription et le sous-titrage vont donc se généraliser à moindre coût. J’entends donc bien à l’horizon 2016 élargir Regards Neufs à toute la Suisse ! »

 

 ChA