Publié le: 24 novembre 2024

Sourde et sergent dans l’armée suisse!

Sourde et sergent dans l’armée suisse!

Charline Barras est jeune, Valaisanne, et dotée d’une volonté d’acier. Au point qu’elle a fait plier l’armée suisse qui, face à sa détermination, a dû se résoudre à l’incorporer dans ses rangs. Une première historique !

La jeune Charline Barras n’est pas n’importe qui. Elle est en effet la première sourde/malentendante à avoir réussi, contre vents et marées, à intégrer les rangs de l’armée suisse, en janvier 2023. Née sourde il y a 22 ans, et doublement implantée cochléaire, elle oralise parfaitement, au point qu’on ne soupçonnerait même pas son handicap auditif. Véritable « garçon manqué » selon ses propres termes, sportive et volontaire, elle poursuit sa scolarité avec succès, malgré les difficultés liées à sa surdité et en travaillant beaucoup, au point de décrocher en 2021 un CFC d’assistante en soins et en santé communautaire.

Seulement voilà : son véritable objectif, c’est l’armée, que de très longue date, elle rêve d’intégrer. Mais entre le rêve et la réalité, il y a un grand pas, qu’elle finira néanmoins par franchir, en dépit de tous les obstacles dressés sur son chemin.

Recrutement

A la vénérable institution, elle indique d’emblée, dès l’âge requis enfin arrivé, son intention d’effectuer son service militaire. Sans grande surprise, elle est recalée à l’issue des deux jours de recrutement, pour raisons médicales. Et pour cause : le règlement militaire exclut explicitement les personnes présentant de graves problèmes visuels ou auditifs. Pas question donc pour l’armée d’incorporer une femme sourde et implantée cochléaire, une décision ressentie par Charline comme « un véritable coup de couteau ».

Mais c’est sans compter sa détermination : soutenue par sa mère, la jeune femme introduit un recours, à la suite duquel elle doit se présenter à Berne. « J’ai alors expliqué ma situation, et ils m’ont dit « non », raconte-t-elle. J’ai insisté, pour essuyer encore un refus. Alors, ils m’ont proposé de faire la protection civile ou de rejoindre la Croix rouge de l’armée. Là, c’est moi qui ai dit non, parce que je voulais l’armée et rien d’autre », rigole-t-elle aujourd’hui.

Sans armes

De guerre lasse, l’institution lui propose un compromis : intégrer ses rangs, mais à condition qu’elle ne porte pas d’armes et ne conduise pas de véhicules. Marché conclu et en janvier 2023, voici la jeune Valaisanne qui entame fièrement son école de recrues, en uniforme. Et là, tout se déroule à merveille. « Cela s’est super bien passé, explique-t-elle, même si cela a été un peu compliqué au début, car c’était l’hiver et recourir à la lecture labiale avec la nuit qui tombait si tôt n’était franchement pas évident. Mais mes camarades ont été des amours, ils n’hésitaient pas à répéter si besoin alors que dans ma caserne, le commandant ne s’était même pas rendu compte que j’étais sourde. Même mon lieutenant ne l’a su que vers la fin, quand j’ai dû me rendre en urgence à Genève changer les piles de mon implant cochléaire… »

Et de conclure : « L’armée a été sans aucun doute la plus belle expérience de ma vie et je ne la regrette pas du tout. Elle m’a permis de me surpasser, de prendre confiance en moi et de développer quelque chose en plus. J’espère donc que cela montrera à tous les autres sourds et malentendants qui veulent faire l’expérience militaire qu’il ne faut pas céder aux médecins de l’armée ».

Retour à la vie civile

Après l’école de recrues, la soldate Barras passe un mois à l’école de sous-officiers, puis quatre mois de paiement de galons pour devenir enfin sergent dans les troupes sanitaires. A l’issue de son service, celle qui entend encore suivre ses cours de répétition annuels dans les années à venir, a repris sa vie civile et travaille dans les soins à domicile, en attendant d’exaucer un autre rêve, elle qui, sportive dans l’âme, vient de terminer une formation d’entraineur sportif individuel.

« Les soins à domicile, ce n’est pas ce que je préfère, et j’entends plutôt me consacrer au monde du sport avoue-t-elle. Et si je n’y trouve pas d’emploi, je m’installerai à mon compte en tant que coach sportive. Cela fera un rêve de plus à réaliser ».