Publié le: 16 mars 2018

Une langue des signes pour tous

Une langue des signes pour tous

Une langue des signes universelle, enseignée aux malentendants comme aux entendants depuis le début de l’école obligatoire, serait-elle envisageable ? Le point.

Instaurer un apprentissage simple de la langue des signes, LSF, destiné aux entendants, afin que les malentendants puissent mieux intégrer notre société, c’est ce que suggère la jeune Juliette Perrin, implantée des deux oreilles à l’âge de deux ans et demi et trois ans, après un examen de potentiels évoqués au CHUV et un verdict de surdité profonde.

Juliette, qui fêtera ses 16 ans en avril prochain, soulève aujourd’hui une idée pertinente pouvant améliorer le quotidien des élèves malentendants et entendants, ainsi que du corps enseignant. « Je pense qu’il faudrait apprendre aux entendants des signes de base universels. Le problème c’est que chaque langue des signes est différente, de par la langue même et de par la culture du pays. Entre les cantons de Genève et Vaud, par exemple, le signe « chien » diffère. Un vrai casse-tête ».

Que suggèrent les autorités compétentes ? 
Nous avons interrogé le Département fédéral de l’Intérieur qui nous renvoie au niveau cantonal. « En effet, la pédagogie spécialisée est, depuis la RPT (Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons), de la compétence exclusive des cantons. Vaud, comme à ma connaissance les autres, ne prévoient pas un enseignement généralisé de la langue des signes, tant pour les enseignants que pour les élèves. Au vu du nombre d'enfants et de jeunes concernés, une action systématique serait disproportionnée », explique Serge Loutan, chef auprès du Service de l'enseignement spécialisé et de l'appui à la formation, SESAF, chapeauté par le DFJC.

Le Canton de Vaud, dans le cadre de sa politique d'intégration des élèves sourds ou malentendants, développe différentes actions (voir sous : https://www.vd.ch/autorites/departements/dfjc/sesaf/, parmi lesquelles l’intégration à l'Ecole cantonale pour enfants sourds, ECES. Détails sous : https://www.vd.ch/themes/formation/pedagogie-specialisee/eces/

« Par ailleurs, au niveau de l’enseignement spécialisé, le SESAF est actuellement en discussion avec la Haute école pédagogique du Canton de Vaud, HEP, pour introduire un cours de base de LSF pour tous les étudiants en Master », détaille Serge Loutan.

Public ou privé ?
Est-ce que les écoles spécialisées pour des enfants sourds ou malentendants constituent la solution ? « C’est à double tranchant. Personnellement, je préfère être dans une école publique de peur d’être isolée et stigmatisée le jour où je me retrouve dans le système public. Il me paraît bénéfique de grandir dans une société pour tous », renchérit Juliette, qui, très jeune, a appris la langue des signes, puis le langage parlé complété, LPC, accompagnée d’une codeuse durant sa scolarité.

Elle a suivi le jardin d’enfants de l’ECES jusqu’à l’âge de quatre ans et y a appris la LSF. En parallèle, ses parents et grands-parents y suivaient aussi ces cours avec les autres pères et mères. Après un an et demi d’intégration partielle entre l’ECES et l’école enfantine, Juliette est scolarisée dans l’école traditionnelle. Avoir été implantée très tôt lui permet de s’exprimer normalement. « J’ai tout de même subi des pressions de la part de mes camarades et j’ai dû apprendre à m’imposer ».

Elle apprécie tout particulièrement sa nouvelle « indépendance » d’étudiante et si elle devait se faire implanter aujourd’hui, elle hésiterait, consciente des conséquences. « Après quinze ans de vie sans implants, il me semblerait difficile de subir une opération qui plus est douloureuse, et de devoir modifier mes habitudes ».

En première année de gymnase section biologie-chimie, l’adolescente studieuse n’a pas encore choisi une voie professionnelle et elle profite de son temps libre pour jouer du piano, skier et faire de la photo.

Durant une période, la jeune vaudoise désirait devenir réalisatrice et a suivi l’équipe de l’émission « Signes » durant une semaine assistant, entre autres, à des interviews de personnes sourdes hospitalisées en urgence au CHUV.

Par ailleurs, une vidéo pertinente a été réalisée relatant l’arrivée aux urgences d’une personne entendante, où le personnel est malentendant. (Breaking The Silence » https://vimeo.com/104993788 )

Un système unique linguistique universel ?
Il existerait plus de 120 langues des signes à travers le monde. Difficile alors d’en créer une seule. Lorsque des événements internationaux, qui réunissent des personnes sourdes ou malentendantes de différents pays, ont lieu, il est nécessaire de faire appel à des interprètes en angue des signes !

La pantomime utilisée par deux personnes sourdes ou malentendantes de langue différente constitue des gestes très descriptifs des situations ou des idées qu'elles veulent transmettre. Il paraît alors possible d’identifier des signes appartenant clairement à l'une ou l'autre des langues, ce qui conforte l'illusion d'un système linguistique unique ou iconographique. Se faire comprendre et entendre reste complexe à toutes les échelles.