Publié le: 14 mai 2018

Une professionnelle engagée au service de la perte auditive

Une professionnelle engagée au service de la perte auditive

Peu visible, la malentendance nécessite un accompagnement destiné à la personne touchée par ce déficit ou à ses proches. Rencontre avec la psychologue spécialiste en Psychothérapie FSP/ACP, Corinne Béran, spécialisée en surdité, LSF, LPC.

Corinne Béran nous explique, à travers ces lignes, l’importance du coaching des personnes présentant cette différence à peine perceptible et déplore la pénurie de psychiatres spécialisés en surdité. Portrait d’une femme très engagée, humaniste, qui exerce sa profession depuis une quinzaine d’années, parce qu’elle était attirée par le monde de la communication autre que par la parole, au moment de ses études de psychologie.

« Vu de l’extérieur, cela semble étrange de communiquer « sans rien dire », uniquement par des gestes. Le travail de la comédienne française Emmanuelle Laborit, sourde de naissance qui a reçu le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans « Les enfants du silence » m’a réellement interpelé, au point de vouloir appréhender ce phénomène », explique Corinne Béran.

Une méthode emphatique et individuelle
Basé sur la méthode rogérienne du psychologue Carl Rogers, qui met l’accent sur la qualité de la relation entre le patient et le thérapeute agissant avec empathie, adéquation et considération positive inconditionnelle, le travail de la thérapeute consiste à accompagner individuellement des personnes sourdes, malentendantes et leurs proches, la plupart adultes. Les suivis abordent régulièrement des thématiques comme la honte, le déni, l’isolement, le besoin de s’identifier, le besoin de reconnaissance, l’acceptation de la réalité, la reconnaissance de ses limites, des barrières à faire tomber.

« A posteriori, la malentandance étant à l’ordinaire inapparente, certaines personnes restent dans une attitude de déni et font illusion. Leur entourage peut croire en une normalité retrouvée à travers l’appareillage et l’oralisation. Un jour, malheureusement, lorsque les limites sont atteintes, accompagnées d’une lancinante fatigue, ils craquent parfois».

Interaction
Corinne Béran effectue des entretiens dans son cabinet privé lausannois avec comme support le Langage Parlé Complété, LPC, la Langue des Signes, LSF, des boucles magnétiques portables ou sans soutien à la communication. La vaudoise, âgée de 46 ans, a acquis une connaissance approfondie du réseau spécialisé en surdité professionnel et associatif.

Elle collabore régulièrement avec le Service d’Aide à l’Intégration, SAI, le Service Itinérant Surdité, SIS, Pro Infirmis, Le Repuis et l’Assurance Invalidité, l’OAI. « Le financement de mon travail varie d’une personne à l’autre : l’assurance maladie complémentaire, par la personne elle-même, lors de réinsertion professionnelle l’OAI peut intervenir et finalement Pro Infirmis.».

Chaque patient est différent, l’approche est personnalisée et individuelle
Diplômée de l’Université de Lausanne et Genève en psychologie en 1997, Corinne Béran obtient le titre de Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP en 2015. Depuis, elle participe régulièrement à des groupes d‘Intervision en psychothérapie centrée sur la personne, d’Intervision entre psychologues travaillant dans le domaine de la surdité. Dernièrement, elle a suivi une formation sur « L’utilité de la psychopathologie pour la prise en charge thérapeutique des demandeurs d’asile - Psychose, traumatisme, dissociation et culture », organisée par l’association Appartenances.

« Je suis actuellement une formation sur la Psychothérapie sensori-motrice, IRPT. C’est une approche sensorimotrice pour accompagner les personnes traumatisées ou présentant des troubles de l’attachement. Les traumas s’expriment parfois par des maladies psychosomatiques ou des réactions physiques, majeures ou plus minimes. L’objectif de cette approche thérapeutique consiste à prendre conscience de soi et de comment réagit son corps et de développer de nouveau comportement, aptitude, en travaillant le traumatisme. »

Entre 1996 et 2002, la psychothérapeute a participé au cours de LSF auprès de la  Fédération Suisse des Sourds et de 2004 et 2007 au cycle d’études avancées « Surdité » auprès de la haute école pédagogique, HEP. « Je participe régulièrement à des formations dans le domaine de la surdité, week-ends de formation en LPC, niveau moyen, et aux Journées de formation organisées par le Groupement romand des professionnels de la surdité, GRPS ou la Fédération suisse des sourds, FSS depuis 14 ans ». Elle a par ailleurs travaillé comme éducatrice spécialisée au Centre Jeunes Sourds à Lausanne entre 2003-2007.

Suivi bifocal
Corinne Béran propose également un suivi bifocal pour les parents d’enfants sourds. « Durant la période de périnatalité, nous accueillons, avec la doctoresse Hélène Veuthey, psychiatre psychothérapeute FMH, spécialisée en périnatalité, des couples en détresse qui ont besoin d’un accompagnement spécialisé en surdité, mais également en périnatalité ».

Les personnes qui s’adressent à mon cabinet sont en lien avec une situation de surdité, soit des personnes sourdes de naissance, malentendantes, devenues sourdes ou présentant une perte soudaine de l’audition et parfois également des parents d’enfants sourds.

Les demandes sont de tout type. Accompagnements dans le processus d’implantation cochléaire, mesure de réinsertion professionnelle, acceptation et gestion du handicap, demande de soutien suite à une dépression, un deuil, une migration, etc ».

Son cabinet accueille des patients principalement domiciliés dans le canton de Vaud, mais également dans les cantons de Fribourg et Valais et parfois du Jura, Neuchâtel et Berne.

Où sont les psychiatres et la relève ?
En Suisse romande, on compte sur les doigts d’une main les psychothérapeutes spécialisés en surdité. Les cabinets de psychiatres connaissant ce domaine, dont les frais seraient pris en charge, n’existent pas encore. Alors qui prendra la relève ?

« Il n’existe que très peu de spécialistes en surdité et le grand problème réside dans le financement. Les autorités compétentes font « la sourde oreille ». Cette problématique concerne la prise en charge de la santé en général des personnes sourdes et pas seulement de la santé mentale. « Je pense que le bon fonctionnement de certains services mis en place, comme Le Repuis, centre de formation professionnelle et sociale vaudois, est dépendant de la volonté de la Direction des centres de formation spécialisés d'engager et de former des collaborateurs avec des compétences spécifiques en lien avec les différentes surdités. Mais si ces professionnels formés quittent leur poste pour une raison ou pour une autre, que se passera-t-il ? Aucun engagement politique n’assure la pérennité de telles démarches ».

Implications dans le réseau
Impliquée depuis 2003, Corinne Béran participe à différentes activités associatives. Elle est membre du comité du GRPS, depuis 2015 et a repris la fonction de présidente l’année passée, elle a encadré pendant 2 ans une psychologue stagiaire, participe aux réunions entre professionnels de la surdité et a contribué à l’organisation de séminaires de formation à la surdité des collaborateurs de l’OAI de Vevey. Corinne Béran sera prochainement l’animatrice de groupes de paroles pour personnes malentendantes.

Groupes de paroles pour les personnes malentendantes
En collaboration avec forom écoute, avec qui elle est en lien depuis plusieurs années, Corinne Béran crée des groupes de parole pour personnes malentendantes à venir tout prochainement.

« Je souhaite, à travers ce projet, leur permettre de créer des liens, de se sentir moins seul, de profiter de l’expérience de chacun pour trouver des solutions respectueuses de leurs limites ».

Subventionnées en partie par l’OFAS, ces rencontres auront lieu dans son cabinet Boulevard de Grancy et les inscriptions s’effectuent directement sur le site de forom écoute.

Au vu du nombre de personnes à l’AI qui paraissent intéressées, deux groupes devraient démarrer de manière bimensuelle les lundis et mardis (voir encadré ci-contre).

Groupe de paroles pour personnes malentendantes

Les rencontres bimensuelles, animées par la psychologue spécialiste en Psychothérapie FSP/ACP, Corinne Béran, spécialisée en surdité, LSF, LPC, devraient démarrer dès la rentrée 2018.

Mardi 4 septembre 2018 entre 18h et  19h30,
Lundi 10 septembre 2018 entre 14h et 15h30.
Maximum 7 personnes par groupe.
Bld de Grancy 1, 1006 Lausanne
Les inscriptions s’effectuent sur www.ecoute.ch, sous la rubrique CONTACT.