Publié le: 14 août 2020

Michèle Bruttin, un parcours hors norme, de bénévole à… malentendante

Michèle Bruttin, un parcours hors norme, de bénévole à… malentendante

Pilier bénévole de forom écoute depuis de très longues années, Michèle Bruttin est depuis 2017 employée par la fondation en tant que responsable. Retour sur le parcours hors norme de celle qui, entrée dans le monde de la malentendance sans rien y connaître il y a 30 ans, est devenue elle-même… malentendante.

C’est un drôle de paradoxe, un de ces clins d’œil étranges dont le destin et la vie ont seuls le secret : passer trente ans de sa vie au service de la cause des malentendants pour finir soi-même… malentendante. Tel est le parcours de Michèle Bruttin, 65 ans et actuelle responsable de forom écoute. En 2017, c’est au cours d’un examen de routine auprès de son ORL, destiné à explorer un simple mal de gorge, que sa perte d’audition est découverte. Avec un verdict sans appel, 37,5 % de perte dans chaque oreille de celle dont la maman et le grand père étaient eux même devenus malentendants, mais passé 70 ans.

« C’est incroyable, je ne m’en étais tout simplement jamais rendu compte. Tout au plus, en y réfléchissant bien après coup, ai-je pris conscience du fait que j’avais peut-être un peu trop tendance à faire répéter les autres », ajoute-t-elle dans un grand sourire.  Et bien évidemment, celle qui tout au long de sa carrière a vu tant et tant de gens répugner à avoir recours à un appareillage, n’hésite pas une seconde, et prend immédiatement rendez-vous chez un audioprothésiste : «Je n’allais tout de même pas faire la fine bouche et snober les aides auditives ! Grâce à de nombreux exemples, surtout chez les jeunes, j’avais pu depuis longtemps mesurer à quel point un appareillage pouvait changer la vie, surtout que la technologie permet désormais des performances incroyables ! » Aujourd’hui, bien entendu, ses appareils ne la quittent plus au point « qu’elle ne peut plus s’en passer ».

Il faut dire qu’elle n’a pas lésiné, sa longue expérience au service des malentendants l’ayant menée à un constat : toujours privilégier les appareils hauts de gamme, hélas fort coûteux, bien au-delà des maigres 1650 francs consentis par l’AI. L’occasion pour elle, toujours pragmatique et dotée d’un caractère très volontaire, de délivrer un message qu’elle juge particulièrement important : « A l’âge de 55 ans, j’ai contracté une assurance complémentaire pour moins de 30 francs par mois. Au moment où je me suis fait appareiller, 8 ans plus tard, j’ai été bien heureuse de l’avoir, car elle a payé 90% du solde de ce que l’AI ne prenait pas en charge ! » L’autre leçon tirée de son vécu est tout aussi édifiante : prendre des cours de lecture labiale dès sa première année d’appareillage, là également parce qu’ensuite, l’assurance invalidité, dans le canton de Vaud du moins, ne les finance plus.

Début des années 90

Pour Michèle Bruttin, tout a commencé il y a 30 ans, au tout début des années 90, par une petite annonce parue dans le journal lausannois 24 Cités. Jeune maman ayant arrêté de travailler pour élever ses enfants, elle cherche alors une activité caritative pour s’engager au service de la société. L’amicale des malentendants de Lausanne, présidée alors par Marie-Marcelle Rampin est à la recherche de bénévoles pour les postes de secrétaire et de trésorière. Michèle Bruttin devient illico secrétaire et met un pied dans un monde dont elle ignorait tout et où 30 ans après, elle évolue encore. De fil en aiguille et au fil des engagements, elle s’intègre aussi dans la vie de la SRLS, la Société romande pour la lutte contre les effets de la surdité et ancêtre de l’actuelle forom écoute. « Très vite la présidente Nicole Guillermin m’a proposé de siéger, toujours bénévolement, d’abord au comité central puis carrément au sein du bureau directeur », raconte-t-elle.

L’année 2001 marque ensuite un grand tournant, puisque la SRLS se transforme en fondation au service des malentendants, l’actuelle forom écoute. Michèle Bruttin en devient aussitôt une des 2 vice-présidentes et y prend de plus en plus de responsabilités. Après trois ans d’intérim de la présidence, alors vacante, elle devient la présidente en titre, plus par devoir que par ambition, «faute de candidatures, précise-t-elle et à l’injonction du registre du commerce qui exigeait une présidence définitive ».

Passer le flambeau

Une présidence qu’elle quitte en 2016, passant le flambeau à Laurent Huguenin, tout en continuant à siéger au conseil de fondation, en espérant pouvoir passer le relais à la relève « dès que possible ». C’est pourtant le contraire qui se produira, - encore un clin d’œil du destin - quand en 2017, au vu de son expérience, Laurent Huguenin lui propose de prendre directement la responsabilité exécutive de la fondation, dont le poste était alors vacant. Michèle Bruttin ne réfléchit pas longtemps et accepte la proposition après avoir démissionné de son poste de secrétaire à l’établissement Charles-Ferdinand Ramuz où elle travaillait depuis… 17 ans ! Après près de 3 décennies de bénévolat, elle devient donc employée de forom écoute le 1er mai 2017.

« C’était une étape un peu folle de ma vie, observe-t-elle encore un brin éberluée. Jamais je n’y aurais cru si on m’avait dit, il y’a trente ans que je finirais comme responsable de forom écoute mais aussi malentendante ! »

Et d’ajouter : « Je n’ai vraiment aucun regret car c’est un monde unique où j’ai énormément appris et auquel je dois beaucoup. J’y ai rencontré des personnes admirables qui ont une perte auditive bien plus importante que la mienne. J’ai beaucoup donné après des années de bénévolat, mais j’ai aussi reçu au centuple au retour. J’en veux pour premier exemple que je n’aurais jamais accepté ma perte auditive aussi facilement si je n’avais pas fréquenté ce monde assez extraordinaire ».