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Justine Bron : « A l’AI, on m’avait dit que je ne serais jamais fleuriste !»

27 juin 2023
Publié le :
Âgée de 23 ans, sourde profonde de naissance, Justine Bron est née à Vevey et vit à la Tour-de-Peilz. Avec le soutien de sa famille, cette jeune femme agréable, ambitieuse et volontaire a décroché un CFC de fleuriste et travaille aujourd’hui à Noville.
Depuis quand êtes-vous sourde ?
En fait je suis née sourde profonde de naissance. D'ailleurs, sans appareils je n'entends rien ! (rires).
Quelle est la cause de votre déficience auditive ?
On ne sait pas et mes parents n'ont jamais vraiment cherché à savoir. Une chose est sûre : je suis la seule sourde de la famille !
Comment s’en est-on rendu compte ?
A l'époque, les tests auditifs n’étaient pas systématiquement pratiqués à la naissance. Mais ma maman a compris assez rapidement que quelque chose n'allait pas, en mettant par exemple fort le bruit de la radio et en constatant que je ne réagissais pas. Le plus drôle, c’est que les médecins, pédiatres et ORL prétendaient que tout allait bien. Pour finir, des tests plus poussés ont posé le diagnostic de surdité.
Vous avez donc été appareillée ?
Ah oui, à un an et demi, j’avais des appareils des 2 côtés et à 3 ans et demi, j’ai été implantée à l’oreille gauche, à l’Inselspital de Berne. Ce fut un choix difficile pour mes parents. Mais grâce à ce choix, j'ai pu développer l'acquisition du langage.
Comment s'est passée votre scolarité ?
De 1 à 4 ans, j'ai été à l'ECES, l’école cantonale pour enfants sourds de Lausanne où j'ai appris entre autres, les rudiments de la langue des signes que je parlais du reste avec ma famille. J'ai ensuite suivi toute ma scolarité à la Tour-de-Peilz, dans une école tout à fait normale jusqu'à l'âge de 15 ans.
Cela s’est bien passé ?
Oui, plutôt, les profs étaient compréhensifs, le directeur génial parce qu'il avait vite compris ce qu'il fallait faire pour me venir en aide. En outre, j'ai eu aussi le soutien d'interprètes LPC, de logopédistes et même d'une enseignante spécialisée pour les 5 dernières années de scolarité. Côté résultats scolaires, il y avait des hauts et des bas et je travaillais beaucoup. Bien sûr, j’étais frustrée quand j'avais une mauvaise note, mais j’ai eu la chance de ne jamais avoir de pression de la part de mes parents ! (rires)
Et avec les camarades ?
J'ai eu beaucoup de chance par rapport à ça, car je n'ai eu aucun problème. J'ai même pu compter sur plusieurs amies qui à l'école, m'ont beaucoup aidée, sans oublier bien sûr ma famille qui a été très présente. Sans ma maman, je ne serais pas où je suis aujourd'hui…
Que faites-vous à la fin de votre scolarité obligatoire ?
J'ai cherché un apprentissage de fleuriste, car ce métier m’a toujours plu. Et décrocher une formation n’a pas été facile car les patrons craignaient pour le contact avec les clients. D’ailleurs à l’AI, on a même dit à ma maman : « Votre fille ne sera jamais fleuriste ! ».. Il était hors de question que l’AI m’aide pour trouver du travail car ils voulaient me mettre dans une structure protégée alors que j’avais fait ma scolarité de façon normale.
Et du coup ?
Je me suis accrochée, j'ai passé les examens d'entrée à l’école de fleuriste de Lullier dans le canton de Genève, et j'ai été admise. Au bout de 3 ans, avec du travail et l'aide d'interprètes, j'ai décroché mon CFC en 2018 !
L’AI avait donc dit n’importe quoi ?
Et comment ! D'ailleurs quand j'ai réussi mon CFC, je leur ai envoyé une lettre pour leur dire que j'avais réussi et que leur propos étaient inadmissibles. Ils m'ont répondu par des félicitations ! (rires).
Que faites-vous ensuite ?
Je cumule deux places de travail à temps partiel, à Romont et à Estavayer-le-Lac. J’ai quand même dû partir au bout de quelques mois, parce que les trajets étaient vraiment très longs. Finalement, j'ai trouvé la place que j'occupe aujourd'hui à 80% ……...à Noville : cela me plaît beaucoup, on travaille avec des fleurs et des plantes, on organise des événements, des mariages et on collabore avec les hôtels et les palaces…
Pourquoi ne travaillez-vous qu'à 80% ?
Parce que j'ai de grosses journées, que c'est fatiguant et que j'ai besoin de temps pour récupérer !
Comment vous voyez-vous dans 5 à 10 ans ?
Ah ça, c'est une question difficile, je ne sais même pas ce que je ferai dans un an (rires) ! En tout cas, je veux continuer dans le même métier. D’ailleurs, dès le mois d'août prochain, je vais certainement commencer un brevet fédéral de fleuriste à l'université de Fribourg. Je souhaite acquérir plus de techniques et de connaissances pour avoir un jour, pourquoi pas, mon propre magasin.
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