Publié le: 26 novembre 2023

«Je suis là pour répondre aux besoins des sourds et malentendants»

«Je suis là pour répondre aux besoins des sourds et malentendants»

Depuis deux ans, Tanya Sebaï est infirmière référente pour les patients sourds et malentendants au Service de médecine de premier recours des Hôpitaux Universitaires de Genève. Retour sur une expérience hors du commun, et unique en Suisse.

Quel est votre rôle en tant qu’infirmière référente ?

Ma tâche est très vaste. Mon rôle est d’être un lien entre les personnes ayant un problème d’audition et les personnes entendantes dans le milieu hospitalier et ce afin que l’interaction se passe au mieux et que tout le monde puisse se comprendre.  J’agis donc de manière transversale dans les différents services des HUG lorsque s’exprime un besoin dans la communication avec les personnes sourdes ou malentendantes. Je mets à la disposition de ces dernières des outils de communication, je peux aussi les accompagner aux consultations ambulatoires en cas de besoin, leur venir en aide pour les démarches administratives, etc. Enfin, je travaille pour sensibiliser et informer les professionnels des HUG sur toutes les questions en lien avec la surdité.

Quelles sont les qualités pour exercer ce travail ?

Évidemment, il faut beaucoup de patience, ainsi que des capacités d’écoute et d’empathie. Il est aussi très important de bien connaître la culture sourde tant celle-ci recèle des éléments typiques qui ne sont pas ou peu connus. Et puis, il faut bien sûr connaître l’organisation hospitalière pour pouvoir faire le lien avec les patients malentendants et sourds tout en leur expliquant exactement ce qu’ils y vivent. Enfin, en tant qu’infirmières les compétences en santé sont indispensables…

Le fait d’être vous-même sourde vous aide-t-il dans votre tâche ?

C’est sûr, la connaissance intime de la culture sourde, la capacité à comprendre ce que vivent et ressentent les patients et enfin la maîtrise de la langue des signes, m’aident beaucoup dans mon rôle de création de liens entre les soignants et les patients. Et puis enfin, dans un autre registre, une infirmière malentendante, c’est aussi un peu un modèle pour beaucoup de patients eux même sourds ou malentendants qui peuvent voir qu’une professionnelle sourde peut travailler normalement.

Comment avez-vous obtenu ce poste ?

Je travaillais comme infirmière dans un EMS depuis de longues années quand un jour, les HUG, qui ont su que j’étais la seule infirmière sourde du canton de Genève, m’ont contactée dans le cadre d’un projet d’amélioration d’accessibilité pour les personnes sourdes. J’ai tout de suite dit oui sans la moindre hésitation, car c’était à la fois une très belle opportunité pour moi, mais aussi un grand pas pour les personnes sourdes et malentendantes.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre travail ?

C’est un métier nouveau et je suis seule à l’exercer. Alors parfois, il faut jongler pour concilier les rendez-vous, d’autant que je ne peux pas être présente sur les lieux 24 heures sur 24 et 7 jours 7. La clé c’est donc d’anticiper, d’établir des priorités et de trouver des solutions en avance, comme par exemple, rédiger au préalable des éléments pour que la personne sourde puisse présenter elle-même aux soignants son motif de consultation.  Je peux aussi proposer de prêter une tablette pour pouvoir communiquer par écrit etc.

Qu’est-ce qui vous a le plus surprise ?

Je m’attendais et c’est normal, à ce que les patients expriment de la reconnaissance pour l’aide que je peux leur rapporter. Mais ce qui m’a beaucoup surprise, c’est d’avoir aussi beaucoup de marques de reconnaissance de la part des soignants eux-mêmes qui me disent souvent : « merci pour ta présence, sans toi on n’y serait pas arrivés !». Cela montre à quel point mon rôle est important et indispensable, alors même que ce poste d’infirmière référente surdité n’existait pas il y a deux ans !

Photo Louis Brisset/HUG