Publié le: 15 janvier 2011

Isolement : Et si les malentendants se retrouvaient sur facebook ?

Isolement : Et si les malentendants se retrouvaient sur facebook ?

Pour rompre son isolement, un jeune malentendant a créé sur le réseau social facebook un groupe intitulé « Les sourds et malentendants de Suisse romande ». Retour sur une expérience prometteuse.

« Je suis sourde de l’oreille droite et j’entends mal de l’oreille gauche. Pour moi, l’intégration ne se fait jamais vraiment. Je suis toujours entre deux mondes. Et c’est très difficile, je ne me sens jamais comprise… », « Je suis à la recherche de la formation de mes rêves, mais ma surdité me semble comme un frein à ma recherche. Je suis curieux de savoir quelles sont vos professions et si votre surdité vous gêne sur votre lieu de travail ».

Emouvants et très révélateurs de l’état d’esprit dans lequel se trouvent de nombreuses personnes souffrant de malaudition, ces deux témoignages, qui révèlent une réalité quotidienne souvent méconnue, présentent en outre une originalité: ils sont disponibles sur internet, plus particulièrement sur le désormais célèbre réseau social facebook, dans le « mur » d’un groupe intitulé « Les sourds et malentendants de Suisse romande ».

Partager

Fondé il y a environ deux ans par Marcos Alvarez, un Lausannois d’origine espagnole, le groupe compte aujourd’hui 25 membres. « J’ai toujours côtoyé des gens qui n’avaient pas de difficultés d’audition, explique-t-il.  J’avais donc envie de trouver et de réunir des personnes qui me ressemblent, avec lesquelles je pouvais partager des expériences et donner la possibilité aux malentendants de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils partagent des ressentis communs ! » « Bien sûr, je n’ignorais pas que de nombreuses associations de sourds ou de malentendants existaient. Mais j’ai préféré retenir l’option de facebook car avec ce réseau, il est très facile d’atteindre les personnes», ajoute ce jeune étudiant qui suit, au Centre professionnel du Nord vaudois de Sainte-Croix, près d’Yverdon, des cours pour devenir médiamaticien,  une nouvelle profession généraliste regroupant des compétences en multimédia, commerce, marketing et…  informatique.

C’est avec quelques années de retard que la famille du jeune Marcos, alors âgé de trois ans, se rend compte de ses troubles de l’audition. « Pendant des années, mon médecin ne comprenait pas pourquoi je n’arrivais pas à parler, raconte-t-il. Mais il ne voulait pas chercher plus loin. Un jour, parce qu’il était malade, mes parents ont dû consulter un autre médecin. Et là, le diagnostic est tout de suite tombé: surdité moyenne de l’oreille gauche, et surdité profonde de l’oreille droite ! »

Etudes

Aussitôt appareillé, Marcos rattrape rapidement son retard, et après un petit détour dans une école spécialisée, réintègre l’enseignement normal. Après trois ans d’apprentissage en tant qu’employé de commerce dans une entreprise où l’on a fait preuve de « compréhension vis-à-vis de son handicap », il travaille quelques années aux Services industriels lausannois, avant de décider de reprendre des études. « Je voulais avoir une maturité commerciale, se souvient-il, mais la classe était particulièrement bruyante, et j’ai dû arrêter, d’autant qu’à l’époque, je refusais de porter un micro ! »

« C’est très difficile d’être malentendant, poursuit-il. Dans ma classe, une jeune fille parlait toujours doucement. Comme je lui demandais de répéter, elle m’a rétorqué : avec toi, il faut toujours parler fort ! Ce genre de remarques est vraiment blessant ! J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à accepter mon handicap, car celui-ci me mettait à l’écart des autres. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai créé ce groupe sur facebook, pour essayer de mieux accepter ma différence ! »

Ouvert à tous

Sitôt créé, le groupe, ouvert à tout le monde, rassemble peu à peu une vingtaine de membres, pour l’essentiel en Suisse romande et en France. « Ce n’est pas facile de regrouper des gens, constate Marcos. Au début cela a été difficile, j’ai même essayé de faire adhérer la dauphine de Miss France (Sophie Vouzelaud, Miss Limousin et sourde, ndlr), en me disant que cela allait entraîner une vague de nouveaux membres ! Malheureusement, je n’ai jamais pu l’avoir. »

Principale satisfaction du jeune Lausannois: avoir pu, via ce groupe facebook, venir en aide à d’autres malentendants, grâce aux informations pratiques qu’il fournissait. « Je suis tout de même un peu déçu de ne pas avoir plus de membres. Mais c’est un peu de ma faute, car en raison de mes études, je ne me suis pas investi dans ce groupe autant que je l’aurais souhaité, et surtout je n’ai pas trouvé le moyen de mieux attirer les candidats. C’est vraiment le plus dur ! »

Portail internet

Et de conclure: « Cette démarche m’a néanmoins fait du bien, à un moment important de ma vie, car elle m’a permis de me sentir utile et de faire beaucoup de chemin pour accepter mon handicap ! » Aujourd’hui, le groupe « Sourds et malentendants de Suisse romande » demeure ouvert à tous ceux qui souhaiteraient le faire vivre. Encouragé par l’expérience, Marcos Alvarez, de son côté, voit loin, très loin. Après ses études, il envisage de lancer sa propre entreprise de commercialisation d’appareils auditifs, « beaucoup trop chers », et de lancer, grâce aux connaissances informatiques qu’il a acquises, un véritable portail internet, entièrement consacré à la problématique de la malaudition.

« Les sourds et malentendants de Suisse romande », www.facebook.com. Taper dans le moteur de recherche: malentendants + suisse.

Charaf Abdessemed