Publié le: 13 janvier 2023

Liridona Ostrogllava: «Un choc émotionnel m’a fait perdre l’envie d’entendre…»

Liridona Ostrogllava: «Un choc émotionnel m’a fait perdre l’envie d’entendre…»

Âgée de 24 ans, née à Genève et Albanaise, Liridona Ostrogllava a perdu son audition au moment de son adolescence, une perte très difficile à accepter pour elle. Rencontre avec une jeune femme complexe et très exigeante avec elle-même.

Comment êtes-vous devenue malentendante ?
Je ne sais pas. J’ai un frère né sourd implanté, mais je n’ai jamais pensé que j’allais avoir un jour des problèmes d’audition.

En connaissez-vous la cause ?
Non, les médecins n’ont pas réussi à savoir ce qui a causé cette perte auditive, même si je suis convaincue qu’un choc émotionnel en est à l’origine, un choc qui m’a fait perdre l’envie d’écouter les autres... En tout cas, elle s’est installée très progressivement quand je devais avoir 14 ou 15 ans, et je m’en suis rendu compte quand j’ai commencé à avoir de plus en plus de mal à suivre mes cours, à rentrer épuisée chez moi et à m’isoler de plus en plus. Quand mes notes ont commencé à baisser et que j’ai commencé à entendre des acouphènes, je suis allée consulter…

Et quel a été le diagnostic ?
Perte auditive des deux oreilles, 40% d’un côté, 50% de l’autre. Le médecin m’a proposé un traitement, mais qui n’a pas donné de résultats, puisque la situation s’est aggravée. C’est à ce moment que j’ai été appareillée.

Et cela a-t-il changé votre vie ?
Oui et non. Oui parce que je suis rendu compte qu’il y avait plein de bruits que je n’entendais plus, non parce qu’avec les appareils, j’ai une hypersensibilité aux bruits aigus, et ça, ce n’est pas facile.

Vous semblez avoir du mal à accepter votre handicap…
C’est vrai, c’est très difficile pour moi, j’ai le sentiment que c’est arrivé à un moment de faiblesse dans ma vie que je n’ai pas réussi à contrôler. D’ailleurs, être malentendant, c’est quand même une faiblesse, car on ne peut pas faire ce que font les autres... Et puis, j’ai aussi le sentiment que même si j’acceptais mon handicap, cela ne règlerait pas le problème, car les autres ne l’acceptent pas…

A quoi voyez-vous que les autres n’acceptent-ils pas votre handicap ?
Parce qu’il faut toujours se battre pour obtenir les choses ! Par exemple, à l’école j’ai droit à un temps supplémentaire pour mes travaux, ou au sous-titrage de films diffusés, etc. Sauf qu’il faut sans cesse le rappeler aux enseignants, et c’est vraiment épuisant… Je suis aussi haut potentiel, et avec ça aussi, il me faut toujours me battre pour avancer.

Craignez-vous que votre perte auditive s’aggrave ?
Non, parce qu’elle s’est stabilisée. Et puis je suis sûre qu’elle disparaîtra quand j’aurai trouvé mon chemin de vie…

Où en êtes-vous de votre scolarité ?
En septembre, j’ai fini le collège en obtenant une maturité « économie et société », avec de très bonnes notes. Je n’en suis pas fière pour autant, parce que je trouve qu’elle est arrivée trop tard (sourire…) Et aujourd’hui je fais une passerelle car j’espère intégrer l’EPFL.

L’EPFL, quel sacré challenge !
J’ai envie de faire des mathématiques. C’est un monde d’abstraction et de structure qui me fascine… Et puis plus tard j’aimerais soit faire de la recherche, soit justement enseigner les maths !

Comment voyez-vous les choses dans l’avenir ?
Pour l’instant, le but pour moi est d’accepter mes différences, et la perte auditive en est une parmi tant d’autres. Ce n’est pas toujours un chemin facile…  Une chose est sûre, j’aime les gens et j’aime leur venir en aide. Alors pourquoi ne pas passer quelque temps à venir en aide aux déshérités à l’autre bout du monde ?