Publié le: 07 janvier 2024

L’optogénétique, une nouvelle piste prometteuse pour améliorer les implants cochléaires

L’optogénétique, une nouvelle piste prometteuse pour améliorer les implants cochléaires

Utiliser la lumière plutôt que l’électricité pour activer les neurones auditifs… Tel est le projet d’implant cochléaire futuriste sur lequel travaille une équipe de chercheurs en Allemagne. Le scientifique genevois Fadhel El May, lui-même implanté cochléaire, en fait partie.

Appareil éprouvé depuis de longues années et qui équipe plusieurs centaines de personnes en Suisse, l’implant cochléaire est un dispositif de haute technologie qui permet, grâce à des électrodes, de transformer les ondes sonores en influx électriques destinés à stimuler le nerf auditif, et ainsi restituer l’audition.

Cette restitution sonore est cependant imparfaite – il est ainsi difficile de suivre une conversation dans une ambiance bruyante ou d’écouter de la musique - et de nombreuses équipes dans le monde, travaillent à tenter d’en améliorer la qualité.

Tobias Moser…

Basé en Allemagne à Göttingen, le médecin ORL et professeur en neurosciences auditives Tobias Moser, également fondateur de l’Institute for Auditory Neuroscience de l’University Medical Center Göttingen, est ainsi à l’origine d’une innovation qui pourrait se révéler décisive pour de très nombreux sourds ou malentendants, innovation fondée sur une nouvelle technologie, l’optogénétique.

Dans ce projet, l’objectif est de stimuler le nerf auditif de la cochlée non par des impulsions électriques mais par de la… lumière. « L’actuelle stimulation par des électrodes est disons, assez grossière, explique le chercheur genevois Fadhel El May lui-même équipé d’un implant cochléaire et qui effectue son doctorat dans l’équipe du Pr Moser. La lumière elle en revanche, contourne toute conductivité électrique et peut être façonnée comme un rayon laser afin d'être dirigée avec beaucoup plus de précision, ce qui autoriserait grâce à des fréquences mieux sélectionnées, une bien meilleure restitution sonore ».

Problème : les cellules de la cochlée ne sont, de manière naturelle, pas sensibles aux rayons lumineux. Afin d’y remédier, et c’est là que l’optogénétique intervient, les chercheurs introduisent dans l’oreille, grâce à des virus inactivés, un matériel génétique qui permettra de produire des protéines photosensibles, qui seront ensuite capables de réagir aux stimulations lumineuses induites par les futurs implants cochléaires optiques.

« Aujourd’hui, nos travaux se développent sur deux axes. Ils visent à vérifier l’efficacité de la thérapie génique utilisée transférant des protéines sensibles à la lumière dans le nerf auditif d’une part, et l’efficacité du dispositif implantable d’autre part », explique Fadhel El May. Une efficacité qui peut se mesurer par l’étude du comportement des petits rongeurs implantés à titre expérimental - des gerbilles-, ainsi que par le recours à des enregistrements cérébraux. Avec de premiers résultats pour l’heure très encourageants. « Au vu des premiers résultats, la précision des stimulations enregistrées dans le cerveau des gerbilles semble meilleure que pour l’implant électrique » se réjouit encore Fadhel El May.

Chemin encore long

Évidemment, le chemin est encore bien long avant de pouvoir espérer, un jour, faire bénéficier les patients sourds ou malentendants de ce type d’implantation. Les recherches s’effectuent à plusieurs niveaux et en explorant de multiples pistes. Ainsi de nombreux vecteurs viraux, de promoteurs (comme une adresse postale) et de candidats de protéines sensibles à la lumière font l’objet d’évaluations, ainsi que l’implant cochléaire optique lui-même est un projet d’ingénierie majeur en soi. Sans compter bien sûr, les différentes et complexes procédures administratives réglementaires qui encadrent toujours ce type de recherches et les essais cliniques.

« Il reste beaucoup à faire mais nous espérons démarrer un premier essai clinique chez l'homme en 2027 », conclut Fadhel El May qui, après l’obtention de son doctorat fin 2024, espère quant à lui bien pouvoir continuer ses recherches dans ce domaine qui le concerne à plus d’un titre.