Publié le: 15 février 2024

On peut bien entendre et souffrir d’acouphènes chroniques

On peut bien entendre et souffrir d’acouphènes chroniques

20% des personnes entendant des acouphènes ont une audition normale à l’audiogramme. Une récente étude montre qu’en réalité, leur nerf auditif serait altéré. Un constat qui ouvre la voie à l’espoir d’un traitement pour ces symptômes souvent très invalidants.

Pour bien des malentendants, c’est un peu la double peine. Souvent, très souvent, s’ajoutent en effet à leur perte auditive, des acouphènes, ces fameux bruits « parasites » qu'une personne entend sans que ceux-ci existent réellement. Et selon une enquête menée dans 12 pays de l’Union européenne, environ 15 à 20 % des adultes en souffriraient, ce qui en fait un véritable problème de santé publique.

Du reste, FoRom écoute, par deux fois, a consacré sa traditionnelle Journée à thème à la prise en charge de ces bruits parasites si invalidants et gênants qu’ils peuvent durablement péjorer la qualité de vie des malentendants, avec anxiété et dépression à la clé, et pour lesquels il n’existe pas à proprement parler de véritable traitement curatif.

Potentiels évoqués

Mais la donne pourrait bien changer. Une récente étude publiée en décembre dernier dans la revue Scientific Report ouvre en effet la voie à une prise en charge médicale des acouphènes. Comme souvent à l’origine de toute recherche, une interrogation : « Pourquoi les acouphènes affectent-ils également des personnes dites normoentendantes, dans environ 20% des cas ? »

Pour y répondre, des chercheurs de l'Institut spécialisé Massachusetts Eye and Ear de l’université de Harvard aux Etats-Unis ont analysé l’audition, plus exactement l’influx nerveux qui va de l'oreille interne jusqu'au cerveau, de 201 personnes qui n'avaient jamais ressenti ce symptôme et 64 qui ont déjà souffert d'acouphènes. « On a enregistré ce qu'on appelle les potentiels évoqués auditifs pour pouvoir mesurer la réponse du nerf auditif, explique le Pr Stéphane Maison, l’auteur de cette étude sur le site de Radio France. Et on s'est aperçu que chez ces normaux entendants, ceux qui avaient des acouphènes avaient une perte significative de fibres du nerf auditif ».

Perte auditive cachée

En clair, ceux que l’on pensait normo-entendants, souffrent en réalité d’une perte auditive cachée, invisible sur les audiogrammes actuellement pratiqués et qui expliquerait les acouphènes qu’ils entendent. En outre, une hyperactivité du cerveau a également été observée chez ces mêmes patients.

« On a alors découvert deux choses chez les personnes avec acouphènes, résume le Dr Maison dans une interview au journal Sciences et Avenir. Tout d'abord, il y a en effet une atteinte du nerf auditif. Et par ailleurs, le cerveau présentait une suractivité : là encore, il essaye de compenser la perte induite par les nerfs endommagés ».

Ce constat ouvre un espoir pour de nombreuses personnes souffrant d’acouphènes, avec la perspective, certes encore lointaine qu’une éventuelle régénération des terminaisons nerveuses auditives, avec en ligne de mire une activité cérébrale normale, pourrait les faire régresser.