Publié le: 23 février 2024

«Quand on est sourd ou malentendant, il faut oser demander»

«Quand on est sourd ou malentendant, il faut oser demander»

Malgré une sévère perte auditive, Marlyse Schindelholz s’est envolée seule en décembre dernier pour un long voyage en avion, vers la Côte d’Ivoire. Preuve qu’avec un minimum d’organisation, il est tout à fait possible de surmonter son handicap et de découvrir le monde.

A la voir pimpante, à l’aise et volubile, on en oublierait presque qu’elle est malentendante. Sévèrement malentendante même, et sans son appareillage, elle serait perdue. Que de chemin parcouru cependant, depuis le jour où en 2008, elle a commencé à perdre son audition en raison de méchants cholestéatomes qui lui ont progressivement détruit les oreilles…

Depuis, Marlyse Schindelholz qui vit à Blonay (VD) a appris, selon ses propres propos, à « oser dire et oser demander ». Oser dire qu’elle est profondément malentendante et oser demander de l’aide et du soutien, si nécessaire…

Et sans ce long chemin d’acceptation, elle n’aurait jamais pensé organiser le magnifique voyage qu’elle a vécu en décembre dernier… Elle qui n’avait jusqu’à présent à son actif que des escapades en Europe, la voilà qui s’est envolée le 20 décembre dernier à destination de… la Côte d’Ivoire, avec un long vol de 12 heures depuis Genève, comportant deux escales, à Bruxelles puis Ouagadougou.

Pleine forme

« C’est le cœur qui m’a conduite en Côte d’Ivoire, explique-t-elle tout sourire. Il y a dix ans mon fils et ma belle-fille qui est d’origine ivoirienne, se sont mariés et je n’avais pas pu en être car je venais de me faire opérer. Là, quand ils ont décidé d’y organier leur mariage religieux, j’ai souhaité y aller car je suis en pleine forme ».

Pourtant, un tel voyage n’est pas sans susciter bien des appréhensions. Peur de ne pas entendre les consignes dans les avions ou les aéroports, peur de rater une correspondance… autant de craintes légitimes quand on entend mal et que l’on est équipé de deux BAHA, des dispositifs d’auditions complexes dont une partie est… fichée dans les os du crane.

Mais la sémillante septuagénaire est méthodique et volontaire. Elle qui dans une vie précédente a travaillé dans les systèmes de qualité, organise son voyage avec une minutie exemplaire. Dès l’achat de son billet d’avion en agence, elle signale son handicap, qu’elle doit assortir d’un certificat médical tant on ne la croit pas vraiment en raison de ses facilités d’expression. « Cela m’a pourtant fichu un coup de voir inscrit la mention «passager sourd» sur mon billet, sourit-telle. Mais que voulez-vous c’est la vérité !»

Et puis à l’aéroport, elle demande à bénéficier des services d’assistance des compagnies aériennes. « Je pensais jusqu’à présent que ce service était réservé aux personnes en chaise roulante. Mais il est tout à fait ouvert aux personnes sourdes et c’est vraiment très utile car cela donne pour voyager, un confort et une tranquillité tout à fait bienvenus ».

Et puis durant le voyage, il faut s’adapter. Retirer les prothèses auditives et les placer avec les appareils électroniques lors des contrôles de sécurité, se préparer à ce que les vis en titane sonnent aux scanners et une fois dans l’avion, retirer parfois les prothèses pour éviter les très désagréables sifflements liés à l’effet Larsen.

Prudente, et afin que ses interlocuteurs soient plus attentifs, Marlyse s’est également munie d’une pancarte « je suis malentendante… je lis sur les lèvres » ainsi que d’un logo « oreille barrée », bien visible et épinglé sur son manteau.

Superbe séjour

Autant de précautions qui font que, à l’aller comme au retour, le voyage s’est merveilleusement bien passé, « sans le moindre pépin, sauf dans les délicieux pamplemousse et oranges ivoiriens », les prises en charge dans les aéroports de départ et d’arrivée étant exemplaires.

Résultat de tout cela : un superbe séjour en Côte d’Ivoire ponctué de rencontres et de découvertes. « Les gens là-bas sont très accueillants, raconte Marlyse. Nous nous sommes déplacés de villages en villages et d’hôtels en hôtels et la cérémonie religieuse de mariage s’est déroulée aux sons du gospel dans une atmosphère particulièrement émouvante. »

Cerise sur le gâteau : cette ancienne nageuse sauveteuse n’a pas pu résister à l’appel de l’océan atlantique, malgré ses BAHA : « J’ai suivi à la lettre toutes les recommandations. Mais l’interdiction de nager est la seule restriction que j’ai transgressée car je n’arrive pas à résister à l’appel de l’eau » raconte-t-elle avec une lueur pétillante dans les yeux, avant de conclure : « Ce voyage en Côte d’Ivoire a été une très belle expérience. Il montre surtout qu’en tant que malentendant ou sourd, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide ou de l’assistance où que l’on se trouve. »

 

Un BAHA c’est quoi ?

Le BAHA est une prothèse auditive spéciale dite à « ancrage osseux ». Contrairement à un appareil auditif classique qui amplifie les sons, la prothèse BAHA a pour fonction de transmettre les sons directement aux os du crâne et de là, par vibration à l’oreille interne.  Les sons sont captés par leur processeur transformés en vibrations qui sont envoyées à l’implant en titane inséré dans l’os et qui ensuite, les transmet directement à l’oreille interne en passant par les os du crâne.  Le dispositif permet ainsi de court-circuiter les osselets pour arriver directement à l'oreille interne. Il est généralement indiqué pour les patients qui souffre de surdité de transmission ou de surdité mixtes pour lesquelles la chirurgie d’oreille moyenne ne peut être réalisée et l’appareillage traditionnel par voie aérienne ou osseuse est inefficace ou impossible.